élieLÉCUYER_coques à la noix

contexte : les forces invisibles

la crise de l’attention

Dans l’introduction de Contact, Matthew Crawford constate la disparition de l’attention dans la vie quotidienne. Il décrit une scène dans laquelle il réalise un paiement par carte bancaire, une action banale qui se découpe en plusieurs phases impliquant succinctement une action de la part du philosophe (insérer la carte, entrer le code, retirer la carte). Il observe un écran publicitaire situé dans son champ visuel alors qu’il paye, et est amené à réaliser que cet écran aura été installé là pour spécifiquement capter l’attention du philosophe alors qu’il attend de accomplir l’action suivante de son processus de paiement. Les actions que nous réalisons au quotidien sont décortiquées, et chaque espace libre serait investi, par divers dispositifs mis en place par « les Architectes de l’Attention ».

« La durée même de ces intervalles, que je prenais jusque là pour un réquisit technique, trahissait désormais son caractère prémédité. »

Cette interprétation suggérerait l’intentionnalité de latences pour y insérer de la publicité, là où je suggérerais l’inverse : la publicité s’incrusterait dans chaque ouverture de notre attention. L’efficacité de telles pratiques est ainsi grandissante. La pensée post-it permet à tout prestataire de service, dont des publicitaires, de rationaliser la vie pour savoir au mieux où intervenir. Les usages sont découpés, classés, optimisés dans des parcours utilisateur dans des séances de design thinking où sont postitisées les moindres actions.

L’intentionnalité que Crawford perçoit laisse voir un effet pervers d’une pensée post-it : assurer une exposition optimale à l’image publicitaire peut encourager des choix de conception d’un objet servant un besoin détaché de celui de l’usager¹. Ces choix reposent sur un modèle très structuré conditionnant les choix de design, qui peuvent alors influencer l’usager d’une telle manière qu’il ne peut plus prendre un temps nécessaire pour la réflexion et la prise de distance. En ce sens, la sur-sollicitation de notre environnement empêche toute pensée critique au profit d’une facilité d’usage.

L’économie repose sur la pratique de l’innovation nécessaire à la survie du modèle capitaliste comme étant décrite par J.Schupeter². L’innovation perpétuelle a été théorisée par ce dernier, économiste : les objets nous entourant évoluent constamment dans leur conception et se remplacent ou se succèdent, rendant les précédents obsolètes. Cette innovation est disruptive, c’est à dire qu’elle bouscule l’ordre établi et s’accélère « le processus disruptif systématiquement cultivé par les chevaliers d’industrie prend de vitesse toute socialisation »³ grâce au développement de nouvelles technologies d’échange et de communication, toujours plus rapides et efficaces.

Bernard Stiegler présente la situation actuelle comme « une situation d’infidélité systémique », où l’appel à la nouveauté gagne constamment en vitesse et incite à une consommation continue. Alors dans un tel flux en constante accélération, l’individuation devient un processus toujours plus compliqué.

Selon ces idées, Stiegler, dans la lignée de Gilbert Simondon, considère qu’une « redistribution des savoirs et du temps »⁴ est essentielle pour sortir d’une crise de l’attention ayant pour cause l’accélération et la densification des flux d’information et de produits, et pour symptômes les crises écologiques, sociales et économiques. La réappropriation des objets techniques serait alors une voie vers l’individuation telle que Simondon l’a décrite : chacun serait responsable de soi, critique et capable de prendre en main ses aspirations de vie.

pensée magique de la technique

l’horizon illusoire de l’automatisme

Gilbert Simondon propose une lecture culturelle fondamentale de la technique, où il explique qu’une méconnaissance de la technique et des machines entraîne des rapports conflictuels car ne prenant pas en compte l’entièreté des modes d’existence des objets techniques⁵. L’image du robot, en tant que machine capable de servir l’humain sans contrainte, un esclave issu de l’exploitation technique, est pour Simonon un fantasme.

« […]le robot n’existe pas, il n’est pas une machine, pas plus qu’une statue n’est un être vivant, mais seulement un produit de l’imagination et la fabrication fictive, de l’art de l’illusion »

Cette représentation fantasmée de la technique, dans cette idée, est due, selon Simondon, à l’association du degré de perfectionnement d’une machine à son automatisme. Or ce serait un « bas degré de perfection technique » : l’automatisation d’une machine revient à réduire sa potentialité⁶, elle est alors prédéterminée et fermée. À partir d’un tel constat, un meilleur degré de perfectionnement serait une capacité de la machine à augmenter sa potentialité. C’est la marge d’indétermination d’une machine qui lui permet de recevoir des informations extérieures à son système et d’avoir un effet sur ses produits, elle est alors ouverte à un certain degré et permet à un opérateur d’ajuster ses capacités.

« La machine dotée d’un haut niveau de technicité est une machine ouverte, et l’ensemble des machines ouvertes suppose l’homme comme organisateur permanent »

On peut souligner le caractère avant-gardiste d’un tel propos à une période d’industrialisation post-1945 exacerbée, et annonciatrice de la mouvance hacker naissante dans les années 70 (voir partie à ce propos), mêlant savoir technique et idéologie libertaire. Aujourd’hui, la notion d’affordance est cruciale dans le design d’interfaces (numériques ou physiques), dictant une conception et un usage les plus fluides possible, s’approchant d’un rapport quasiment magique⁷.

solutionnisme technologique

Dans la culture populaire, l’image du robot et de l’outil/machine providentielle reste entretenue. Matthew Craford compare le rapport aux objets domestiques dans l’univers de Mickey⁸. Dans ses aventures jusque dans les années 50 Mickey et ses compagnons étaient mis à mal par des artefacts techniques et des lois physiques « inexorables », où un vélo pouvait vite se transformer en monocycle pour un gag burlesque. La réalité technique de l’univers matériel servait le récit et engageait des péripéties invoquant l’ingéniosité des personnages pour résoudre leurs problèmes. Dans La maison de Mickey, le dessin animé contemporain, ces mêmes personnages évoluent dans un univers détaché de toutes affordances négatives⁹ pour ne donner aux objets et outils qu’une affordance positive. Or il est absurde de penser la technique comme unilatéralement positive : c’est le propre du Pharmakon « Le remède, le poison, et le bouc émissaire. Tout objet technique est pharmacologique »¹⁰.

« La séduction de la magie tient à la promesse d’ajuster les objets à notre volonté sans que nous ayons jamais à prendre leur matérialité à bras-le-corps »

Quand la technique est ainsi idéalisée, elle encourage une pratique aveugle du solutionnisme technologique, c’est-à-dire un usage systématique et peu critique d’un rapport problème-solution binaire. L’intelligence ainsi déployée serait celle d’un démiurge disqualifiant toute résistance de son environnement¹¹. Dans La maison de Mickey¹²¹³, le solutionnisme technologique s’incarne sous la forme de la Maxi-caisse à outils, sorte d’écran volant proposant quatre objets par émission qui serviront à régler les épreuves auxquelles Mickey et ses amis feront face. Bien qu’il y ait un intérêt pédagogique à apprendre à de jeunes enfants une association d’objets dans le cadre d’une résolution de problème, la mise en scène omet tout un processus d’adaptation à des conditions matérielles pour privilégier l’apparition magique d’une solution clé en main.

le cycle de mort de l’objet technique domestique

les types d’obsolescence

Pour clarifier les phénomènes liés à l’obsolescence, l’étude d’Équiterre¹⁴ divise les obsolescences dans trois catégories :

Obsolescence fonctionnelle & technologique: Elle peut être directe par un défaut fonctionnel ou matériel, en étant incompatible avec l’ensemble des autres objets de son environnement. Ou bien indirecte, par exemple par l’indisponibilité de produits associés, comme des consommables, pièces de rechange… Il s’agit historiquement de la forme d’obsolescence la plus vieille, l’etude prend l’exemple de certains outils en pierre étant rendus obsolètes dès l’âge du fer
Obsolescence économique : Cible le coût de l’entretien d’un objet par rapport au prix d’un remplacement, ou bien de la disparition d’un service après-vente. C’est un type d’obsolescence très fréquent également par la tendance industrielle de réduire les coûts au maximum par l’usage de matériaux moins nobles ou durables.
Obsolescence psychologique : Il s’agit de la forme d’obsolescence relevant de l’objet et de son contexte ou son image sur le marché et la société. Elle comprend les choix esthétiques d’un objet ou son aura de nouveauté (réthorique de l’innovation) et également des effets de mode. On peut aussi noter l’éco efficacité d’un objet, qui est devenu un argument de vente et rentre dans cette catégorie également (par exemple avec la prime à la conversion)

l’aura complotiste de la programmation

L’origine de la notion d’obsolescence programmée est placée à la publication en 1932 « Ending the Depression Through Planned Obsolescence » de Bernard London¹⁵, agent immobilier américain. Il y propose, pour remédier à la récession, de stimuler la consommation par une incitation au remplacement des produits par une incitation financière (primes et taxes). Ce texte est décrit par ses détracteurs comme l’origine de manigances industrielles visant à saboter les produits. Pour nuancer, sa proposition vise à maintenir la machine industrielle en fonctionnement par la récupération des produits pour les « recycler ». Il est intéressant à mes yeux de souligner le passage « Les gens [de 1932] désobéissent à la loi de l’obsolescence. », qui fait écho aux bricolages de nécessité cubains par la situation de crise (cf. partie décomposer).

c’est « eux » !

Le documentaire de Cosima Danoritzer « Prêt à Jeter »¹⁶, diffusé en 2011 sur Arte liste des pratiques industrielles réduisant la durée de vie de produits manufacturés. Un exemple sur l’ampoule électrique est particulièrement marquant dans sa dimension complotiste : le Cartel Phœbius. Il s’agit d’un regroupement des grands producteurs d’ampoules du début du XXe siècle s’étant accordés sur la réduction de la durée de vie de leurs ampoules à 1000h contre les 2500h effectives par une réduction de la durabilité du filament.

Un contre-exemple est avancé pour « prouver » la conspiration : une ampoule centenaire de la caserne de Livermore, allumée depuis 1901. Ce cas précis est discutable compte tenu de différences de conception et d’une efficacité sur le plan énergétique comme sur le plan de l’éclairage¹⁷ Il n’empêche que le documentaire démontre que l’obsolescence programmée existe bel et bien dans des cas de monopoles ou d’oligopoles (ententes explicites ou implicites entre entreprises).

Affirmer que les objets industriels étaient plus robustes reste quelque chose de complexe, peu de données le prouvent. Bien que l’équipement de la cuisine de nos grands-parents reviennent souvent à un voyage dans le temps ; le biais du survivant, comme l’écrit Alexandre Delaigue dans sa critique de « Prêt à jeter »¹⁸, peut falsifier nos perceptions : nous avons certainement déjà vu un frigo des années 50 en fonctionnement, mais ignorons les potentielles centaines d’autres frigos en panne. Son exemple, bien que pertinent pour nuancer la réalité, ne disqualifie en rien les accusations portées sur les produits détaillés dans le documentaire. Cela permet d’écarter la lecture conspirationniste du sujet, qui pense l’obsolescence programmée comme une action volontaire en soi, alors que le problème est plus complexe.

c’est « le système » !

Pour Serge Latouche, économiste hétérodoxe pro-décroissance, à part quelques cas précis, il reste très complexe d’apporter les preuves d’une obsolescence programmée. Mais il décrit ce phénomène comme le « symptôme d’un système de consommation concentré sur la croissance »¹⁹. Son constat permet alors de se dire que par nature, un industriel ne pourrait pas, s’il souhaite conserver une activité économique croissante, produire des produits durables. Tenter d’éclaircir ce que Latouche décrit comme une « schizophrénie » (la durabilité serait incompatible avec l’idéal de croissance infinie) autour de ce terme serait déjà un projet en soi. Mon intention étant de m’adresser au consommateur, je vais préférer utiliser une appellation moins connoté.

On pourrait parler d’« obsolescence accélérée » dans le sens où la programmation serait trop connoté. Le terme d’« obsolescence organisée » est aussi utilisé dans le milieu associatif, il souligne tout de même une forme d’intentionnalité qui n’est pas avérée dans beaucoup de cas.

et du coup ?

Les exemples avérés d’une obsolescence accélérée intentionnelle sont rares, si l’on se penche sur les cas portés en justicedepuis l’entrée en vigueur de la loi du 14 mars 2016 et la définition dans le code de la consommation Art. L. 441-2 et son interdiction :

« Est interdite la pratique de l’obsolescence programmée qui se définit par le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement. »

Seule une poursuite des principaux fabricants d’imprimantes pour l’obsolescence prématurée de leurs cartouches d’encre est en cours depuis 2017, date de dépôt de la plainte de l’association Halte Obsolescence Programmée (HOP)²⁰. Avec aussi la pratique d’Apple, ralentissant ses téléphones à la sortie d’un nouveau, montre que ce phénomène est bien réel²¹. Bien qu’il n’apparaisse que dans des situations de monopole (sous-marché de produits exclusivement compatibles : cartouches d’encre, iChoses…) ou d’oligopole (entente tacite ou organique d’un petit nombre d’acteurs : téléphonie, ampoules au début du XXe s. …).

les racines de l’obsolescence psychologique

« L’obsolescence technique et esthétique de tous les produits ou presque constitue un enjeu bien plus important » ²²

Comme vu précédemment, l’obsolescence accélérée est perçue comme technique (défaillances dans la conception). La définition de Zero Waste France évoque l’esthétique comme ayant une grande part dans le gaspillage. Flore Berlingen, directrice de l’association aura même pu dire sur France Culture : « la stratégie d’obsolescence qui dépasse toutes les autres c’est la publicité »

Historiquement, ce que l’on appelle l’obsolescence esthétique (sous-catégorie de l’obsolescence psychologique) serait la première à être apparue chez General Motors. Pour concurrencer la Ford T, GM sort en 1927 la Chevrolet, subissant un « recarossage » annuel sur un châssis et une technologie plus ancienne, le tout étant propulsé par le design et la publicité²³. C’est une pratique nommée « sloanisme », qui s’appuie sur des leviers socio-culturels pour engager la consommation. La base de ce système repose sur la perception de nouveauté et sa création par la publicité et le design.

« Grâce à une politique de marque, de design et de publicité, l’industrie automobile faisait la démonstration qu’on pouvait obtenir le même résultat qu’avec l’introduction d’une défaillance technique. »²⁴

General Motors aura fait appel à la notion de « valeur ajoutée » pour permettre la vente continuelle de ses produits. Ce phénomène étant conditionné par le design et la publicité, il peut aussi comparativement dévaluer un produit au profit d’un autre, plus « neuf ».

C’est dans ce contexte historique que naissent les formes de consommation encourageant un remplacement d’objets dysfonctionnels ou obsolètes. La surproduction d’objets diminue la valeur individuelle d’un objet, et par conséquent l’attention qui lui est portée. Cette philosophie s’est développée vers une surproduction. Il n’y a que peu de durabilité dans la vie de nos objets, qui se trouvent de plus en plus nombreux dans le cadre domestique : robots cuisiniers, box internet, téléphones…

la part du design

L’histoire du design étant intrinsèquement liée à l’histoire de l’industrie, les pratiques accélérant l’obsolescence des objets trouvent leurs expression dans la conception de ceux-ci. Je vais me focaliser sur ce que je généralise sous le nom de phénomènes de coques, cela regroupe des notions comme celles de carosserie, enveloppe, boîte noire et relève autant d’aspects matériels qu’immatériels comme des contrats de garantie etc…

Ces coques sont, selon l’étude d’Équiterre, ce qui influence un choix en cas de remplacement : « Relativement peu de consommateurs se laissent influencer par des publicités ou les derniers phénomènes marketing, sauf l’importance design du produit pour les appareils électroniques »²⁵. Le consommateur semble avoir une forte perception d’obsolescence « programmée » et une faible reconnaissance de son rôle dans le phénomène. Il est important de distinguer l’obsolescence subie, qui suscite des réactions très négatives de la part des consommateurs, et l’obsolescence choisie, soit celle que des détenteurs ressentent à l’égard de leurs appareils et qui les conduit à le remplacer prématurément.

objets opaques & muets

Ce contexte a aussi amené une mutation dans le dessin des objets : le temps est précieux, il est alors important de garantir un usage rapide, aux dépends de la compréhension fine. « Un bon design rend un produit compréhensible ; un bon design, c’est aussi peu de design que possible » disait Dieter Rahms dans ses 10 principes du « bon design ». Le principe de boîte noire²⁶ s’est étendu jusqu’à dans nos cuisines, salons, dans nos poches. L’héritage de Rahms se retrouve aujourd’hui dans les produits Apple designés par Jonathan Ive. On voit tout de suite ce qui est sous-entendu derrière ces dix principes de design. « Aussi peu de design » revient à retirer toute forme ne suivant pas une fonction usuelle ou symbolique. Le langage formel employé se veut épuré et efficace : ce qui tourne est rond, le son sort par les grilles trouées etc…

« Le paradigme convivial (user friendly) de la conception d’interface va souvent à l’encontre de celui « de l’émancipation et de l’autonomie individuelle et collective ». Le « choc de simplification » des interfaces, bien souvent, engendre une augmentation de l’opacité structurelle des programmes. »[^01225]

[^01225] Hubert Guillaud, « Rétro-design de l’attention : c’est compliqué, paragraphe « Du design des interfaces au design des modèles économiques » Internet Actu, 14/01/2019

Bien que cette citation parle d’un objet informatique immatériel, il est possible de le généraliser à un objet technique physique. Un positionnement visant à simplifier un usage va nécessairement restreindre la liberté de l’usager dans sa capacité à lire leur fonctionnement interne. La complexité et la précision nécessaire à la production et au fonctionnement des objets qui nous entourent peut également justifier cette tendance.

intelligibilité & affordance

Ces impacts se retrouvent plus subtilement et à différents degrés suivant la marque des objets, et se déclinent en quatre types selon Abraham Moles²⁷ :

symbolique

Symboliquement, l’enveloppe unifie l’assemblage de composants dans une forme définissant l’objet comme tel. Un batteur à œufs n’est pas lu comme la combinaison d’un moteur, d’une alimentation électrique ou mécanique jointe à deux fouets en inox. Dans l’usage, un batteur à œufs est une poignée dotée d’un bouton permettant de faire tourner les deux fouets amovibles. Bien que cela puisse également tomber sous la catégorie juridique, l’usage de têtes de vis spéciales est un autre exemple de différenciation, où les outils de l’amateur sont inadaptés à ceux des fabricants.

psychologique

L’impact psychologique d’une coque relève d’une adéquation avec les courants esthétiques de son époque, il est simple de différencier une chaîne hi-fi des années 60 et 90. Les principes de design et possibilités formelles étant différentes, le bois et l’aluminium du premier témoignent d’une époque bien différente des moulages plastique d’influence high-tech du second. Pouvant également dépendre du goût du consommateur, la datation par la forme permet également d’inciter à une consommation d’objets « de son temps ».

juridique

Selon le principe de boîte noire, l’utilisateur possède l’extérieur d’un objet, mais n’a aucun contrôle sur son intérieur. Abraham Moles distingue alors deux clans, celui des Hommes de la Fonction²⁸, les usagers, et celui des Hommes de la Structure, les concepteurs. Ces derniers sont ceux ayant le pouvoir d’ouvrir les coques et d’intervenir dessus. Il s’agit pour ceux produisant les objets, à des fins de contrôle et de simplicité d’usage, d’empêcher l’usager de s’affairer à la structure de son objet grâce à des contrats de garantie assurés, par exemple par des barrières à ne pas franchir sous peine de rompre ledit contrat.

utilitaire

Également, la coque est aussi le carter, l’enveloppe séparant physiquement les composants internes à l’objet de son usager. Une telle division permet simplement d’empêcher un utilisateur de se couper le doigt avec un mixeur, ou bien de protéger tout engrenage d’une montre d’être enrayé par un grain de sable. Cette fonction protectrice garantit à l’usager et l’objet de ne pas entrer dans un rapport auto-destructeur qui disqualifierait ce dernier de sa qualité d’objet usuel.

freins à l’individuation

Ce qu’il est possible d’affirmer est que l’aura complotiste de l’obsolescence programmée fait de l’ombre à d’autres facteurs impliquant un plus grand nombre de responsables que simplement « eux » contre « nous ». Abraham Moles divise la société en deux parties, celle des Hommes de la Fonction²⁹, les usagers, et les Hommes de la Structure, les concepteurs. On pourrait agrandir sa description avec les Hommes de la Forme ou du Sens, les designers. Ce rôle d’entremetteur me semble d’autant plus important dans un contexte décrit précédemment comme opaque, dense et peu propice à la pensée critique.

Au vu du monde des objets techniques domestiques, toute appropriation de la part de l’usager est dissuadée par les phénomènes de coque décrits par Abraham Moles. Les deux freins opèrent sur le champ de la lisibilité (de la structure d’un objet) et de la possibilité (la faisabilité d’un acte de réparation). La figure du consommateur-usager ne permet pas à une personne de s’individuer à travers son environnement de vie.

Avec un positionnement de designer graphique, il paraît possible d’intervenir sur ces freins et de favoriser une meilleure emprise et/ou lecture de notre environnement technique. L’appropriation à l’œuvre consistant en la prise en main des réalités techniques au sein de nos objets par une approche curieuse et exploratoire. Un tel positionnement s’oppose à la perception magique de la technique telle que Matthew Crawford la décrit, c’est-à-dire en donnant des propriétés surnaturelles et incompréhensibles à des objets qui, par essence, exploitent la connaissance de la Nature pour réaliser une action par des moyens mécaniques, électriques et électroniques.

Comment, en s’appropriant le monde, est-on capable de le changer ?

Le designer graphique peut-il contribuer à émanciper des injonctions consuméristes ? (au remplacement/gaspillage)

Comment un designer graphique, à partir de la culture hacker, peut aider le consommateur utilisateur à éveiller sa responsabilité par une ouverture à la curiosité ?

Le long des carnets de ce mémoire, je vais étudier plusieurs pistes d’intervention me permettant de tracer le contour d’un positionnement que le designer graphique pourrait prendre pour répondre à la situation décrite précédemment. Mon travail va s’articuler autour d’actions et pensées existantes, de leur analyse et de mise en lien conceptuelle avec des productions issues de l’art et du design, faisant ressortir par transfert des bourgeons de ce que seront, à la suite de la rédaction du présent ouvrage, des projets de Design Graphique.

Matthew Crawford : « Contact, pourquoi nous avons perdu le monde et comment le retrouver », 2016. Dans cet ouvrage, le philosophe accuse une « politique économique de l’attention » pour proposer en réponse une « éthique de l’attention ». (Il propose de sortir la tête du guidon tout en prenant son pied sur sa moto, habile) ↩︎
Joseph Schumpeter, « Les cycles des affaires », 1939. Il y théorise une destruction créatrice qui encourage des entrepreneurs à constamment innover. Cela a pour effet de leur donner un monopole temporaire pour chaque innovation par l’obsolescence des produis concurrents ↩︎
Bernard Stiegler: «L’accélération de l’innovation court-circuite tout ce qui contribue à l’élaboration de la civilisation», interview Libération, 01/07/2016 ↩︎
Dans cet interview il considère la redistribution comme celle que proposent les ordinateurs et un internet neutre, horizontal ↩︎
Gilbert Simondon, « Du mode d’existence des objets techniques », 1959 ↩︎
J’utilise le terme de potentialité là où Simondon parle d’« usages possibles » pour résonner avec la notion d’affordance qu’évoque Crawford ainsi que dans le monde du design produit, anglicisme pouvant se traduire par permissivité ou potentialité ↩︎
Pascal Chabot décrit dans son entretien avec Jean Clottes une forme de fluidité dans le rapport cause-conséquence d’une action, c’était selon lui, comme cela que Gilbert Simondon se servait du terme de magie. Dans le documentaire Simondon du Désert, Documentaire de François Lagarde, 2012 ↩︎
Matthew Crawford, « Contact : pourquoi nous avons perdu le monde, et comment le retrouver » ↩︎
Ce sont tous les effets potentiellement nuisibles d’un objet faisant le sel des péripéties de Mickey : parapluie harpon, grille-pain lance-projectile, etc… ↩︎
défintion de Phamarkon issue du site web de Ars Industrialis ↩︎
M.Crawford associe un tel comportement aux corporations utopistes de la Silicon Valley ↩︎
Mickey Mouse, Disney, épisodes de 1935-36 ↩︎
la Maxi-caisse à outils, La maison de Mickey, Disney, 2006-2013 ↩︎
« Obsolescence des appareils électroménagers et électroniques : quel rôle pour le consommateur ? », Étude d’Équiterre, 2018, p.16 ↩︎
Bernard London, « Ending the depression through planned obsolescence », 1932 ↩︎
Cosima Danoritzer, « Prêt à Jeter | The Light Bulb Conspiracy », 2010 ↩︎
Dr.Goulu, « La véritable histoire de l’ampoule de Livermore », blog Dr.Goulu, 11/10/2011 ↩︎
Alexandre Delaigue, « Le mythe de l’obsolescence programmée », blog Econoclaste, 08/03/2011 ↩︎
« Obsolescence programmée : le futur est-il périssable ? » France Culture, 11/10/2017 ↩︎
« Plaintes HOP, ça en est où ? », Halte Obsolescence, 17/10/2018 ↩︎
Nicolas Six « Apple admet ralentir ses anciens iPhone », Le Monde, 21/12/2014 ↩︎
Dico-déchets, association Zero Waste France, 2014 ↩︎
Annual model change was the result of affluence, technology, advertising, Automotive news, 14/09/2014 ↩︎
Serge Latouche, « Bon pour la casse : les déraisons de l’obsolescence programmée », éditions Les Liens qui Libèrent, 2012 ↩︎
« Obsolescence des appareils électroménagers et électroniques : quel rôle pour le consommateur ? », étude d’Équiterre, 2018, p.25 & p.28 ↩︎
La boîte noire est un concept utilisé dans le développement de services (informatiques) pour figurer quelles données sont accessibles et modifiables par un usager, et ce qui reste à l’intérieur de ladite boîte. Vilém Flusser décrit une relation à un objet dont l’utilisateur (l’opérateur) n’a ni accès ni de contrôle au fonctionnement interne d’un appareil, seulement sur l’input et l’output ↩︎
Abraham Moles, « Vivre avec les choses : contre une culture immatérielle », Art Press, hors-série no 7, « À l’heure du design », Paris, 1987, p. 13. ↩︎
Définition d’Abraham Moles (voir glossaire) citée dans « un design diffus », Camille Bosqué, Objectiver, 2017, éditions Cité du Design (Saint Étienne), p.170 ↩︎
Définition d’Abraham Moles (voir glossaire) citée dans « un design diffus », Camille Bosqué, Objectiver, 2017, éditions Cité du Design (Saint Étienne), p.170 ↩︎

6 Novembre 2019 - Café Bricol’ Troix Cocus

entretien réalisé durant le Café Bricol’ du 6 Novembre 2019 au marché debant la CAF proche de la sation de métro Trois Cocus.
J’ai pu discuter avec Marie Hujibregts en privé durant la matinée, j’aurai passé le reste du temps à observer le Café Bricol’, ainsi que discuter avec ceux qui passaient.

Interview

Les petits Débrouillards est une association avec des antennes indépendantes partout en France, j’ai rencontré la médiatrice sociale et scientifique Marie Hujibregts de l’antenne Occitanie-Toulouse. Elle était accompagnée de Florian Rivet, animateur scientifique ayant plus d’affinités avec l’électronique, là où Marie est plus familière avec la couture ainsi que la mécanique de vélos, sa formation initiale.

Ils sont installés au milieu du marché Place Micoulaud, devant la CAF, deux tables et de nombreuses boîtes à outils autour de la table, ainsi qu’une desserte avec cafés et grignotages.

Après l’explication de mon travail de recherche, elle bloque sur mon idée de passer de l’utilisateur-consommateur à l’utilisateur-opérateur. Le terme d’opérateur sous-entend un certain niveau de connaissances, ainsi qu’une professionnalisation. Elle propose plutôt quelque chose de l’ordre de la responsabilité. Elle ajoute que si on utilise l’expression consommateur-responsable, c’est parce que l’on ne souhaite pas sortir de la société de consommation.

Que font Les Petits Débrouillards ?

Les Petits Débrouillards s’engage dans la prise en main des savoir-faire dans des contextes conviviaux où naissent les échanges et le contact social. « Tout le monde peut apprendre la technique ». Le travail des animateurs est de partager ces techniques qu’ils kiffent.

Les Café Bricol’ ne sont qu’une partie des activités, d’ailleurs les Cafés Bricol sont aussi réalisés par d’autres associations, ça ne nous appartient pas. Nous, on est orientés vers l’éducation populaire : développer l’esprit critique et l’autonomie des enfants et adultes.

Quels sont les profils de gens qui viennent aux Café Bricol’ ?

Nous croisons deux types de profils :

Les sensibilisés : ce sont les bricoleurs qui sont déjà autonomes, souvent ils viennent nous voir et nous disent qu’ils ont déjà ce qu’il faut à la maison. La plupart du temps il s’agit d’hommes retraités bricoleurs
Les petits bricoleurs : eux ne sont pas équipés, ils ont besoin de soutien sans jugement pour leur donner confiance. Il y a une majorité de femmes qui viennent nous voir, cette question du genre est importante pour moi : j’ai été une femme dans une formation de mécanique. Ces gens viennent nous voir parce qu’ils ont déjà vécu ou ont peur de la scène dans un magasin de réparation où les conseillers-spécialistes les prennent pour des truffes. Il y a une forme d’humilité à demander de l’aide.

note : l’accueil des gens et curieux passant par la table est extrêmement informel, souvent il s’agit de gens à qui on tend un café, et qui jettent un œil, certains posent des questions, certains certains interviennent ou reviennent avec un objet à réparer ou prennent un flyer.

Qu’en est-il des non-bricoleurs ? / Qu’est ce qui fait qu’on saute le pas ?

Justement, les deux profils en question sont déjà sensibilisés à la notion de réparabilité et sont mêmes parfois engagés contre le gaspillage, la sur-consommation, c’est le plus souvent le premier cas de figure d’ailleurs. Les non-bricoleurs ne passeront jamais le pas d’un atelier, c’est pour cela que nous allons directement là où sont les gens. Ceci dit, on ne couvre pas tout le monde en allant dans des marchés, c’est évident.

La plupart du temps ceux qui viennent nous voir sont déjà plus ou moins conscients des notions d’obsolescence programmée et de gaspillage. Ou bien c’est en nous voyant réparer des objets qu’ils se disent qu’il répareraient bien tel ou tel objet ayant une forte valeur émotionnelle…

La réparation est un excellent prétexte dans tous les cas, c’est toujours une occasion de faire : l’objet est cassé, autant essayer de le réparer, si ça marche pas tant pis, j’aurai essayé.

Comment se déroule un Café Bricol’ ?

Rien de plus simple, nous installons nos tables, l’oriflamme, amenons une rallonge, un ordinateur et nos caisses à outils. S’il fait beau on va sur le marché, s’il fait mauvais, on va dans le bâtiment. C’est toujours un bon moment, naturellement les gens vont échanger autour d’un café, d’un objet à réparer…!

C’est important que ça dure au moins 3h, 3h c’est l’idéal en fait, ça laisse le temps aux gens qui passent d’aller chercher un objet à réparer chez eux.

Des fois les marchands râlent parce qu’ils pensent qu’on vend des trucs et qu’on leur vole tous leurs clients, mais à part ça les seules interactions qu’on a sont positives.

C’est problématique d’avoir un atelier nomade ?

Non pas vraiment, c’est des boîtes à outils lourdes mais à part ça… C’est rare qu’on n’ait pas les outils adaptés pour les objets qui arrivent. Mais -comme dit précédemment- c’est important de sortir de l’atelier pour venir aux gens directement.

Il y a deux types d’animations :

En classe ou autre espace fermé, les gens en sont captifs, que ça leur plaise plus ou moins ils vont réaliser l’animation. En général c’est un bon moyen pour réaliser des choses qui vont loin
Dans la rue c’est plus expérimental et convivial, les gens qui restent sont très intéressés et suscitent la curiosité. Les gens vont et viennent, interagissent plus régulièrement, c’est très convivial.

Quels sont les objets les plus fréquents ?

C’est surtout du petit électroménager, c’est ce qui sert le plus dans la maison et ce qui est le plus facile à amener. Les machines à laver par exemple (objet archétypal de l’obsolescence programmée) c’est compliqué pour des raisons d’infrastructure : raccord à eau, l’électricité, etc… ainsi que, bêtement, c’est gros et lourd.

Sinon pour faire un classement c’est, dans l’ordre : la cafetière (senseo), des vélos (spécifique à Marie : de par sa formation elle a l’outillage), les mixeurs et robots cuisiniers… Parfois des aspirateurs ou même des smartphones. D’ailleurs les vélos sont très intéressants dans leur conception : ce sont presque les derniers objets qui sont « transparents », à part la présence d’un carter sur le chemin de la chaîne, on peut tout voir de son fonctionnement, et intervenir directement s’il y a un problème. Je prends pour exemple le fait qu’on n’ait besoin que d’un crayon ou d’une branche (ou un doigt pour les plus téméraires n’ayant pas peur de se salir les mains) pour remettre la chaîne dérayée du vélo en place.

Retour d’expérience

J’arrive à 10h Place Micoulaud, ils viennent d’installer les tables pour travailler, il y a Florian qui installe un sac avec des multimètres et des télécommandes. Il m’accueille de manière sympathique, en m’expliquant comment les ateliers fonctionnent, en me présentant le multimètre comme l’outil archétypal de ses ateliers, sa spécialité étant l’électronique.

Je suis ensuite accueilli par Marie, qui m’emmène en haut pour que nous réalisions notre entretien (ci-dessus). Après, je prête un coup de main à déplacer les tables dehors au marché devant la CAF. Une desserte avec des cafés et des grignotages se trouve en avant-garde pour attirer les matinaux.

La discussion va bon train autour de cafés, des seniors se rassemblent pour discuter. Certains sont d’anciens bénévoles aidant à réparer, ils sont entre copains. Aujourd’hui peu de monde vient voir la table de réparation, quelques yeux curieux et une poignée de flyers emportés tout au plus. Florian s’est décidé à rapiécer un bleu de travail pour passer le temps, Marie lui explique le point aller-retour, pour garantir une couture solide, puis elle est repartie parler avec des passants.

Une dame approche, curieuse, et s’adresse à Florian :

«- Vous faites de la couture ?

- Entre autres, on a les connaissances, on fait avec vous, on vous
accompagne. Si vous savez comment faire, on a le matériel pour le
faire

- C’est super gentil ce que vous faites ! Moi je suis très
bricoleuse, mais je touche pas les machins électriques, je pends le
jus tout le temps !

- Ah c’est l’électricité statique ça, c’est pas pareil »

« - Vous avez quelque chose à réparer ? Sinon vous pouvez nous
retrouver à ces dates [montre le flyer avec le contact mail]

- Ah par mail… Internet et moi ça fait deux. Eh dis-moi ton manteau
il a vachement besoin de réparation, moi je te le fais là si tu veux !
»

[Florian sort la machine à coudre]

Cette dame, Agnès, nous montre comment faire un nœud avec le fil à coudre avec le frottement des doigts, sans faire « un nœud de chaussure ». Elle aide Florian avec son rapiéçage en montrant ce fameux point de couture en aller-retour. Nous discutons alors qu’elle nous raconte comment elle a appris la couture avec une histoire de son père fabriquant des costumes pour les amies majorettes de sa grande sœur. Elle partage par la suite plusieurs techniques de couture durant la suite de la matinée. Elle sera finalement restée jusqu’à la fin du Café Bricol’, aidant même à ranger le matériel.

« J’ai tout appris en regardant par-dessus son épaule ! »

parcourez la planche iconographique avec la molette de la souris (x/y)

7 Novembre 2019 - Le F@briquet, Fablab Planète Sciences de Ramonville

entretien réalisé en fin de journée le 7 Novembre 2019 ayant pris rendez-vous.
Pour cet entretien, le F@briquet était vide, quelques membres de l’équipe sont passés, ainsi que Philippe Martorell ( du hackerspace Tetalab et Planète Sciences ), avec lequel j’ai pu discuter de manière informelle.
J’y suis retourné pour quelques informations supplémentaires ainsi qu’observer le fablab en activité

Je suis accueilli par Alice Langlais, fabmanager. Elle est issue du DSAA de Rive Gauche, a réalisé un service civique au de PiNG. C’est une association Nantaise qui est très active dans la médiation numérique, qui gère le fablab Plateforme C, ainsi que l’atelier ouvert de la maison de quartier du Breil.

Le fablab est vide ce jour-ci, les jeudis sont réservés à des rendez-vous individuels ou aux adhérents les plus assidus. Il se trouve à une vingtaine de minutes à pied de la station de métro Ramonville, ou quelques minutes en prenant le bus 111, qui m’aura épargné de la pluie durant mon retour.

Présentation globale

Le fablab est issu de l’initiative de Planète Sciences, une association émergeant du CNES dans les années 60 (le nom n’était pas le même mais la structure est restée) ayant pour but la médiation scientifique auprès du grand public. Ses actions vont d’animations scientifiques dans des centres de loisir ou institutions, à des séjours scientifiques en passant par un fablab accueillant des enfants et des classes.

Planète Sciences (P.S.) est une association nationale avec des antennes dans la plupart des régions du pays. P.S. Occitanie est la plus grosse de France, avec le même nombre d’effectifs que le siège en Île-de-France. Les partenariats avec des institutions sont nombreuses et faciles grâce au rayonnement de l’association : la Cité de l’Espace, le Quai des Savoirs, le Plateau Créatif… Ou encore des prestations pour le CNES, comme des maquettes de satellites.

Comment se structure le fablab en termes d’effectifs ?

Le F@briquet a alors une double identité : c’est un lieu d’accueil et de médiation scientifique pour des enfants de 7 à 17 ans, ainsi qu’un atelier mettant à disposition de nombreux outils à commande numérique ou traditionnels à des adhérents autonomes. Le fablab n’est donc pas totalement indépendant et doit composer avec deux publics différents.

En lien avec cette double identité, les animateurs du fablab se divisent en deux catégories : les animateurs/accueillants et les médiateurs/techniciens.

Quel est le niveau de culture technique/technologique des visiteurs ? Y a t-il beaucoup de novices ?

Pas vraiment, surtout à cause de la distance, nous n’accueillons que très peu de novices, en tous cas pas tous les jours si ça peut donner une idée. Après cela, c’est un lieu très technicien. On peut l’expliquer par le positionnement en périphérie, qui ne permet qu’à des gens déjà renseignés de venir. Puis notre parenté avec Planète Sciences fait qu’on aura beaucoup de professeurs de techno, de physique, ou bien des membres du staff de Planète Sciences.

À part ça, ce sont les enfants qui viennent qui découvrent le lieu. Et encore, pour les plus habitués qui venaient souvent avec leur centre de loisirs, maintenant qu’ils ont passé l’âge ils reviennent d’eux-mêmes. D’ailleurs on peut déterminer deux types d’enfants : ceux qui viennent par leur école/collège, ou ceux qui ont déjà un lien avec le monde scientifique par leurs parents, soit seuls soit parce qu’ils sont déjà dans la boucle de Planète Sciences.

Comment abordez-vous les animations techniques avec des enfants ?

C’est très différent de ce qu’on fait avec les adultes, où en général nous présentons les machines comme des moyens de réalisation, on explique aux enfants le fonctionnement des techniques en jeu et montrant des exemples de réalisations. Un adulte aura déjà la capacité de penser à un projet à réaliser, là ou un enfant va avoir plus besoin de manipuler pour voir ce qu’il peut faire.

Par exemple, quand on veut présenter l’impression 3D, on met dans les mains d’un enfant un stylo 3D¹. Nous ne les laissons pas à eux-même ceci dit, souvent on va proposer un micro-défi du genre « essaye de faire un cube » en leur permettant d’explorer les multiples manières de le faire et comprendre les contraintes liées à une technique et une manière de faire. On leur permet de découvrir le principe avec leurs mains, et après on leur explique que ce qu’ils font se rapproche d’une imprimante 3D, mais que là où eux peuvent tracer des lignes dans l’espace, l’imprimante fonctionne par couches. Pour d’autres techniques on va recourir à des maquettes, modèles réduits et autres analogies pour rendre un fonctionnement abstrait le plus tangible possible.

Autrement, pour la découpe laser, on accompagne les enfants avec InkScape² pour qu’ils fassent un dessin correct qui passera bien à la machine. Puis on leur explique aussi des bases d’optique, on a d’ailleurs un labyrinthe optique qu’on fait manipuler. On allume un laser dans une des entrées, puis il faut pivoter des miroirs pour que la lumière passe par la sortie.

Ce qui est commun avec les deux catégories cependant, c’est qu’on les fait faire après explication, c’est très important pour « fixer » en quelque sorte ce qu’on aura expliqué. Le but n’est pas de divertir les enfants, c’est de leur apprendre des choses qui vont leur servir.

Qu’est-ce qui permet de déclencher l’acte de faire chez des enfants/adolescents ?

Quand on fait une formation ou une présentation de machine/technique, on veille au maximum à ce que les gens aient fait une production avec. D’ailleurs quand ce sont des enfants de centre de loisirs il y a toujours une mini-exposition à la fin où ils présentent ce qu’ils sont appris et ce qu’ils ont fait. C’est toujours important qu’ils résument et s’approprient ce qu’on leur vulgarise.

On prête une grande importance à l’étagère qui se situe derrière moi, on s’en sert régulièrement pour montrer ce qu’on peut faire, c’est donc un outil pédagogique en plus qu’un objet d’exposition.

Avec des enfants déjà plus autonomes, 13-15 ans, on met en place des activités qui se basent sur un objectif-défi. Ils doivent alors réaliser par eux-mêmes quelque chose en un temps donné, on donne juste une impulsion de base en somme. Pour des âges plus avancés, nous en avons moins, mais pour ceux qui viennent, on a des sortes de clubs où ils se débrouillent. En tous cas, à partir de 13 ans, avec un encadrant, on s’assure qu’ils sont capables de se débrouiller et après on les laisse en autonomie.

« Les parents sont souvent étonnés de savoir que leur enfant de 12 ans a soudé tout seul, mais en fait c’est pas compliqué quand c’est expliqué de manière adaptée et bien encadré »

Les stages de Planète Sciences, dépasse aussi du cadre du fablab : ils ne vont pas toujours aller sur les machines, des fois ils sont en sortie et apprennent à fabriquer un télescope, ce genre de choses.

Quid de l’héritage idéologique ? (cf. hacker) Cela fait-il partie de ce que vous transmettez ? Quelle est l’importance portée à la documentation des projets ?

Alors le positionnement du fablab est un peu ambivalent, nous sommes dépendants de Planète Sciences, qui a déjà son propre positionnement. C’est la double identité évoquée ci-dessus : le fablab répond aux activités de PS tout en étant un fablab à proprement parler. Cette ambivalence est parfois un peu frustrante pour les usagers réguliers, dans le sens où notre activité priorise les enfants, donc durant les vacances scolaires c’est parfois un peu compliqué de doser l’équilibre entre ces deux cibles.

Et donc, pour ce qui est de ce qui va toucher à la culture du Libre, ce n’est pas une priorité avec les enfants. Ceci dit, on explique tout de même ce que ça signifie de récupérer un modèle 3D distribué en Creative Commons sur Internet, ou bien de publier son propre travail. Souvent c’est avec les logiciels : on précise que InkScape est disponible gratuitement et qu’ils peuvent l’installer à la maison.

Pour illustrer l’ambivalence du F@briquet, les ordinateurs qu’on met à disposition tournent sous Windows et non une distribution Linux comme Ubuntu. On peut alors imaginer que si l’on avait accès à des licences d’Adobe ou Corel, on s’en servirait.

Pareillement pour la documentation, notre volonté initiale était bien de documenter au maximum, mais au bout d’un moment il devient embêtant pour les adhérents de constamment se faire rappeler de bien documenter. Il est assez coûteux en énergie de faire l’effort de passer au 100% Libre. Je me souviens de longs moments de documentation lorsque j’étais à PiNG, où ils insistent plus sur cette question.

note : PiNG, dans le fablab Plateforme C de Nantes, est devenu une référence dans la médiation numérique et est militante sur les questions de la culture Libre et des méthodes Open Source. Pour exemple, leur découpeuse laser est une machine industrielle dont ils ont préféré changer le circuit de contrôle propriétaire pour un système Libre

un stylo 3D est un gros crayon qui fait sortir d’une buse (que l’on peut apparenter à une pointe de crayon) un filament plastique fondu. Il permet de réaliser des « dessins » en trois dimensions car le plastique se re-solidifie dès qu’il n’est plus chauffé. Une imprimante 3D fonctionne sur ce principe mais la forme qui en sort est issue du dépôt de couches successives de ce plastique ↩︎
la découpe laser permet de contrôle sur un repère x/y un faisceau laser focalisé grâce à un fichier vectoriel décrivant le chemin à emprunter. Dans de nombreux fablabs, le logiciel libre de dessin vectoriel InkScape est utilisé ↩︎

J’ai eu l’occasion de lire le mémoire Machines à Faire de Pierrick Faure, disponible sur son site internet, ainsi que dans l’ouvrage collectif Objectiver, édité par la Cité du Design de Saint-Étienne.
Je l’ai contacté durant le mois de Novembre afin de lui poser quelques questions, m’entretenir avec lui m’aura beaucoup éclairé. Je ne retranscris ici qu’une partie des questions que j’aurais posé, enrichies par un résumé de son travail de recherche, ou des liens à d’autres de mes lectures.
Notre entretien téléphonique s’est déroulé le 14 Novembre 2019

designer-maker

Pierrick Faure se présente comme un designer-maker, l’introduction de son mémoire explique l’intérêt de cette appellation comme un rapport à la production et au bricolage particulier. Les principes de base d’une telle approche peuvent se résumer par une culture du « Faire Avec » et l’« Apprentissage par le Faire ». C’est ce focus sur le Faire qui aura guidé le choix du terme de maker plutôt que hacker, étant plutôt de l’ordre d’une éthique.

Il est important de préciser qu’il ne s’agit pas d’idéaliser un retour à l’artisanat, mais au contraire, s’appuyer sur la réattribution des savoirs et des techniques permise par le progrès technique pour en exploiter les intérêts créatifs des nouveaux outils pour un designer.

Son mémoire de recherche décline quatre aspects de ces nouveaux outils pour le concepteur d’objets :

Outil d’autoproduction : une compréhension des principes de production par l’implication permet des choix plus fins et une meilleure capacité d’improvisation. Mais cela reste une image fantasmée dans le sens où le designer doit répondre à des imprératifs temporels et risque aussi de s’assujetir à sa machine, n’en devenant qu’opérateur.

Outil comme recherche plastique : s’impliquer dans les outils ou alors se les construire ouvre de nouvelles portes d’expérimentation formelle. Construire son propre outil (même en code informatique) permet d’intégrer sa sensibilité dans la conception même dudit outil et se transfère nécessairement sur l’objet produit. C’est la condition de l’atypique.

Outil spectaculaire : le processus de production peut être mis en scène, potentiellement à des fins pédagogiques, invitant à comprendre et à se projeter dans l’acte de design. Ou alors peut également entretenir un fantasme d’immédiateté par une mise en scène « sous les yeux ».

Outil critique - outil manifeste : la philosophie maker porte un propos radical : si tu ne peux pas ouvrir un objet, alors tu ne le possèdes pas vraiment. Un objet issu d’une telle culture porte alors aussi ces propos en lui, alors un objet peut faire office de manifeste. Les produits de la culture libre démontrent la possibilité d’une création durable, locale tout en restant globale. Ces objets ne sont pas forcément voués à être utilisés, ils ont une fonction discursive.

Par le mouvement hacker/maker, de nouveaux paradigmes émanent de la volonté des designers de comprendre les processus. Le designer-maker manifeste un désir de liberté d’élargir ou créer de nouvelles grammaires formelles en s’impliquant plus directement dans les moyens de production.

entretien

L’aspiration à l’auto-production amène à décentraliser en partie la création, quelles sont les rapports aux objets en étant issus ?

J’ai rédigé une partie dédiée : Outil comme recherche plastique. L’accès à des outils de production pour un concepteur lui permet d’explorer les processus, faisant un lien entre numérique (outils de CAO) et artisanat (auto-production). Cela ouvre la porte à de nouvelles grammaires formelles pour les artefacts.

Par un rapport plus direct avec des machines, le designer-maker développe un langage propre à une technique employée, et, en s’en emparant, dépasse le fonctionnalisme et les fantasmes de la production industrielle. C’est ce dont parle Sophie Fétro également : ce sont des formes atypiques qui sortent des machines contrôlées par des super-amateurs. Une méthodologie spécifique à des idéaux de partage se développe également. Les designers gagnent une sensibilité au process qui laisse sa marque dans l’objet. Le langage technique issu des super-amateurs/inventeurs ouvre la mécanique à d’autres gens pas issus de l’ingénieurie.

À quelle point une autoproduction influe sur le processus de travail du designer ?

Chez les designers radicaux italiens des années 70, comme autoprogrettazione d’Enzo Mari qui a diffusé une chaise à travers son plan d’assemblage. L’objet en question pouvait être modifié, amélioré ou transformé, suivant la condition que le principe de construction devait rester le même et être redistribué sous la même forme de plan. Il s’agit d’une œuvre citée comme premier exemple d’une tendance à l’open source, bien que l’idée du designer était plutôt de mettre un usager face à la tâche complexe de création de meuble.

Le terme de « révolution industrielle » est souvent utilisé, mais il s’agit plutôt d’une réattribution des technologies, car elles existaient déjà dans des industries de pointe. Aujourd’hui tout le monde peut se procurer une imprimante 3d pour le prix d’une console de jeux. On change le paradigme du partage du pouvoir, grâce à la simplification du langage et permission de partager les savoirs sur Internet.

Les fablabs, maintenant 10 ans après leur implantation en France, quels impacts observables sur le design produit ?

Les fablabs restent réservés au prototypage, facilitant l’expérimentation pour des designers et des particuliers. Ce mode de création se situe en parralèle à la chaîne industrielle, et non en opposition. Pour de l’édition de grandes séries d’objets la méthode industrielle reste à privilégier.

L’accessibilité des machines de création numérique induisent un nouveau langage formel suivant les processus à l’oeuvre. Une imprimante 3d forme un objet en superposant des couches successives de plastique fondu, le procédé embarque des contraintes et des formes spécifiques bien différentes qu’un moule à injection par exemple. Les nouveaux outils permettent aux designers de se faire aux logiciels de CAO, ce qui permet de nouvelles possibilités qu’on ne pouvait pas atteindre avec la main. En tous cas cela reste de l’ordre de l’expérimentation ou destiné à des musées. Il ne faut pas prendre les fablabs comme des lieux d’édition de produits de design, ils ne sont pas là pur ça, ou alors pour de petites séries.

Dans un environnement d’auto-création par tous, où les capacités d’appropriation s’étendent, pourrait-on imaginer que le designer se dissolve ?

Les fablabs, par leur ouverture au public, permettent à des experts de transmettre des savoirs, de dévoiler des processus. Ce genre d’espace a également un pouvoir d’émulation en mettant dans un seul lieu un large panel de sensibilités. Mais il me semble peu probable que l’amateur et l’expert ne disparaissent au profit d’un super-amateur (ou amateur éclairé). Nous observons simplement un floutage des frontières sans rien renverser.

Le designer garde toujours sa place d’entremetteur, mais la largeur de son champ d’action augmente avec sa volonté de mettre la main sur la technique. En un sens, il gagne en pouvoir sans nécessairement en reléguer.

Quelle est l’importance donnée à la capacité d’ouverture d’un objet technique ?

Au bout d’un moment il faut s’emparer de la technique. C’est un état d’esprit de hacker-maker, et la volonté d’ouverture, son importance va alors nécessairement varier selon la personne à qui vous posez la question

Suite à mon étude de la notion d’obsolescence, la part psychologique du côté de l’usager pèse beaucoup sur la balance. Pointés du doigt sont les publicitaires et pratiques de design de carrosseries, d’enveloppes. Qu’est-ce qui retient une ouverture des objets ?

Il ne faut pas déconsidérer l’importance des enveloppes, carters et autres carosseries. Ces coques sont là pour protéger, simplifier la lecture d’un usage et contenir les intentions esthétiques d’un designer. Il y a un intérêt de contrôle également, pour éviter une intervention non souhaitable à l’intérieur de l’objet.

Les esthétiques issues de l’open design, ou d’autres références que j’ai pu utiliser, restent dans le champ de l’expérimentation. Elles n’ont pas vocation à être distribuées sur le marché, ce sont plus des coups discursifs. Je ne pense pas une ouverture radicale comme souhaitable, mais une compréhension (relative) le serait.

Il faut garder à l’esprit qu’il n’est pas possible de saisir l’entièreté de la complexité du monde dans un seul cerveau. Je vais prendre l’exemple de mon ordinateur : je suis capable d’identifier les principaux composants et je connais plus ou moins le principe d’une carte à puces. Ça me suffit pour comprendre grossièrement son fonctionnement sans forcément avoir besoin de l’ouvrir.

Quel est votre positionnement sur la problématique du standard ? Avec son aura industrialisante et restrictive

Ce n’est pas en soi un problème : il s’agit d’une base qui sert à échanger et développer un langage. Si l’on prend l’exemple de formats de document, un fichier .svg est un format standard d’enregistrement de données vectorielles. Quand on se plonge dans les informations de ce fichier, ce ne sont que des suites de coordonnées tout à fait claires et interprétables par n’importe qui.

Et je pense également qu’une norme n’est en rien restrictive tant qu’on s’en sert consciemment. Ça sert justement à étendre la liberté de création tout en garantissant une potentielle inter-compatibilité entre plusieurs personnes. Pour Open Structures¹ par exemple, c’est justement un mode de conception, de production qui considère chaque partie comme interchangeable, modulable à la manière d’un Lego.

Open Structures est un protocole, un standard ouvert développé par Thomas Lommée. Basé sur un système décimal (métrique) il permet de créer des pièces inter-compatibles et auto-productibles à partir d’une procédure de dessin. L’ouverture du standard tient dans la mise à disposition de toutes les normes de dessin à disposition. ↩︎

rendre compte de la couche externe

Le hacker possède un sens esthétique basé sur l’élégance du « hack » réalisé. Un hack est un bricolage visant l’ingéniosité et l’efficacité grâce aux connaissances du hacker. Ce sont ces critères qui en définissent la beauté. Mais, comme vu précédemment, s’approprier ou hacker un objet demande à intervenir sur son fonctionnement. Dans une définition de l’objet technique plus exhaustive proposée par Simondon¹, celui-ci le définit comme constitué de trois types de couches :

Externe : ce qui se rapporte à sa coque, sa carrosserie, l’enveloppe lue sur le plan de l’esthétique car souvent fait appel à des signes recouvrant la technique.
Intermédiaire(s) : stades laissant visibles les organes d’un objet, ses formes sont issues d’un mélange de langage esthétique et technique rapportés à l’usage.
Interne : ce qui relève de la création, résultat de la pure technique, illisible pour quiconque autre que le concepteur.

Afin d’être en capacité d’observer un hack ou d’en réaliser un, il est important de s’affranchir de la couche externe. Cette enveloppe encapsulant et unifiant un assemblage technique renvoie l’image d’un objet fini, c’est-à-dire qu’il n’y a plus lieu d’intervenir dessus : pourquoi modifier un objet déjà perfectionné ? Bien que pouvant relever du bon sens, un tel raisonnement ne se base que sur une vision de surface, ainsi qu’une substitution du contenu et du contenant. C’est cette couche externe, la coque, l’enveloppe, qui freine une démarche curieuse par la fermeture.

intérêt de la fermeture

Il reste important de préciser l’importance d’une couche externe. Sous la forme d’un carter, cette couche permet d’isoler les organes d’une machine de l’extérieur, ainsi que de protéger des éléments externes d’éventuels organes dangereux. C’est une forme sécuritaire : la machine ne doit pas emporter le bras d’un ouvrier dans l’usine, le cuisinier ne doit pas perdre des doigts en mixant ses aliments. C’est une composante importante de l’existence de cet objet : si son intégrité est menacée durant son fonctionnement, il ne peut pas survivre et s’auto-détruit ou est en proie à des dysfonctionnements systématiques. Dans tout processus d’ouverture, la question de la sécurité et de l’outillage reste cruciale, et des conaissances de base restent nécessaires pour ne pas engager l’intégrité des deux parties en jeu, l’objet et l’individu.

La tendance industrielle à optimiser les processus et de n’utiliser des matériaux adaptés à une situation précise aux contraintes mécaniques bien cernées. La tolérance mécanique privilégie de fait un objet fragile lors qu’il sort d’un usage encadré et prévu. L’avantage environnemental et financier de n’utiliser que le « nécessaire » est à noter. Par l’ajout d’électronique et de systèmes de plus en plus miniaturisés et optimisés, la sensibilité et la fragilité des composants n’en sont que plus grandes, nécessitant des carters plus protecteurs donc résistants et étanches.

Une sur-sollicitation de l’usager par un objet peut mener à sa confusion, là où justement c’est l’efficacité des utilisations qui prime. La couche externe est là pour isoler les points d’intérêts et d’interaction possibles, les conditionner. C’est la fonction d’affordance de la coque, relevant de l’ergonomie : la capacité d’un objet à suggérer son utilisation. La séparation culturelle entre les Concepteurs et les Usagers (cf. A.Moles) implique que la lecture seule des composants bruts d’un objet n’en appelle pas au langage formel d’un individu n’ayant pas le savoir de la conception ou du monde technique. Aussi, laisser à la vue un assemblage très intriqué et complexe comme le fonctionnement interne d’un appareil photographique mécanique, ou d’une montre, ne laisse que peu de possibilités de comprendre son fonctionnement par la densité extrême d’éléments.

En dernier point et non des moindres : l’usager n’est propriétaire que de l’usage de son objet. Par le biais de la propriété intellectuelle du designer et de la propriété industrielle du producteur, la coque ainsi que l’assemblage à l’intérieur appartiennent légalement à « d’autres ». Il y a alors un avantage certain, dans un environnement concurrentiel de course à l’innovation, à complexifier un dévoilement ou une compréhension. De plus, par un accord contractuel avec le fabricant, l’usager est tenu d’utiliser un objet de manière régulière, au risque de perdre une garantie ou autre service rendu par ce premier. Je considère également les cadres légaux ou contractuels dans la définition des phénomènes de coque, dans le sens où ces points enrayent un processus d’ouverture des usages et d’appropriation.

la peinture s’écaille

Les notions de vision et de lecture ont toujours été circonscrites à des fins de simplification : seules les informations pertinentes doivent retenir l’attention pour rester efficace dans la pensée. Il paraît bien plus pratique de penser un interrupteur comme ce qui contrôle l’allumage d’une ampoule plutôt qu’un élément rompant un circuit électrique traversant celle-ci. Cela dit, ce processus est à prendre à contre-courant dans une démarche curieuse, la recherche d’information va demander à développer ce qui est lu afin de remonter un fil de simplifications et (re)saisir une compréhension globale d’un système.

C’est cette image immédiate et simplifiée d’un système que je considère comme la couche externe d’un objet, qu’il soit matériel, graphique, ou abstrait. Les vérifications d’Ugo Mulas explorent cette notion dans le champ de la photographie. Ces deux Vérifications² fonctionnent de pair et représentent efficacement un pan de son travail, ainsi qu’une illustration d’un travail de déconstruction des images évoquée juste avant. Elles évoquent la pratique de la planche contact, procédé consistant en un sandwichage entre plaque de verre et du papier photographique de négatifs afin d’en produire une reproduction en inversé (positif) à l’échelle 1:1, utile pour des aperçus.

La première et plus évidente est la présence d’une plaque de verre qui ne manifeste sa matérialité par la brisure qu’à la seconde vignette. Bien qu’elle puisse être évoquée par son contour à un individu connaissant la pratique, la translucidité de la plaque est perdue dans le noir des épreuves photographiques, seul le contour reste. En exacerbant ce qui révèle la présence du matériau, ici en augmentant la proportion de contours en divisant une plaque en multiples morceaux, il se fait remarquable. Pour ce qui est des négatifs, Ugo Mulas a produit ce qui est vraisemblablement une image avec ce qui n’est rien, selon l’axiome³ stipulant qu’une photographie est définie par les 24x36mm de noir & translucide d’un négatif. Une telle démonstration remet en question la perception consensuelle d’une image : le support sur lequel l’image se forme n’est pas neutre, il fait également image. Dans le champ des objets, cela serait comparable à servir divers cafés passés dans différentes machines, et en révéler l’influence par la température de l’eau, la technique employée, les types de matériau…

Le rapport magique fluide entre un objet et son usage disparaît pour impliquer une forme de friction, ralentissant l’usager et impliquant plus d’attention de sa part.

techno-esthétique

L’esthétique n’est pas qu’une manière de regarder ou de consommer de l’art. Il y a un rapport sensoriel dans la réalisation d’une action. La techno-esthétique témoigne de l’interaction entre la matière et l’ouvrage réalisé par l’artiste.

« La techno-esthétique n’a pas pour catégorie principale la contemplation. C’est dans l’usage, dans l’action, qu’elle devient en quelque sorte orgasmique, moyen tactile et moteur de stimulation. »

–Gilbert Simondon, réflexions sur la techno-esthétique, Sur la technique, PUF, 2014, p.384

Assumer la matérialité d’un objet technique laisse l’ouverture nécessaire à une exploration de sa conception, voire de son dépassement. C’est en assumant des traces de la fabrication, une matérialité témoignant de technique que l’usager, le regardeur ou le visiteur peut éprouver des émotions esthétiques. Je choisis pour l’instant un exemple ne tombant pas dans un versant high-tech : la pratique traditionnelle du kintsugi, l’art de la réparation de céramique japonaise en soulignant les ruptures avec de l’or⁴. C’est un processus de réparation exigeant et précieux, l’objet ainsi obtenu malgré la casse gagne en valeur car ces cicatrices enrichissent son histoire et témoigne d’un grand soin.

Cela s’inscrit dans une philosophie esthétique de l’éphémère magnifié qui, paradoxalement, fait preuve de pratiques de résilience. La surface d’un objet n’est alors pas une finalité, elle peut toujours évoluer et même permettre un tel changement. Une techno-esthétique peut, selon moi, intégrer le cycle de vie d’un objet après sa production. Et cela entre également dans le fait d’être une surface « stimulante » en permettant une lecture non seulement de la technique d’un objet, mais aussi de son historicité.

« Cette image nous montre un rouleau vierge développé; le petit bout de pellicule qui est resté hors du chargeur a pris la lumière indépendamment de ma volonté, parce que c’est le petit bout qui prend toujours la lumière quand on fixe le film dans l’appareil : il constitue un événement photographique pur. Avant même que le photographe ait engagé quoi que ce soit, quelque chose s’est déjà passé. En plus de ce fragment de pellicule jamais utilisé mais nécessairement exposé à la lumière avant toute opération, j’ai voulu également sauvegarder celui qui termine le film et le retient à la bobine. C’est un tout petit morceau qu’on n’utilise jamais, qui n’est jamais exposé, que l’on jette à la fin du travail et qui pourtant a une importance fondamentale : c’est par lui que s’achève toute série de photographies. Mettre l’accent sur ce détail a été pour moi comme insister sur le moment précis où l’on sort la pellicule pour l’emmener au laboratoire; c’est insister sur un achèvement. Ce détail est aussi une présence photographique dans la mesure où un peu de colle s’étant attaché à cet endroit, la lumière n’a pas traversé.

Le film a été tiré par contact : j’ai placé la feuille de papier sensible sous l’agrandisseur, par dessus j’ai déposé les bandes de négatifs coupés et sur ces derniers j’ai appliqué un verre suffisamment lourd pour que les photogrammes apparaissent nettement, leurs contours bien dessinés. Le verre cerne l’image mais sans intention esthétique : sans le verre on n’aurait pas eu cette image et je remarque avec plaisir que selon le biseau de la coupe, l’ombre qui entoure l’image apparaît plus ou moins fine. On voit bien que le verre n’a pas été coupé régulièrement pour un encadrement soigné : et cela est également un élément de cette photographie.

J’ajouterai enfin que cet hommage à Niépce représente trente-six occasions perdues, ou, mieux, trente-six occasions rejetées à une époque où -comme l’écrit Robert Frank à propos du reportage- l’air est désormais infesté par les relents de la photographie. »

–Ugo Mulas, extrait de la légende des Vérifications, catalogue de l’exposition Ugo Mulas fotografo 1928-1973, Musée d’art et d’histoire de Genève, Fondation Suisse pour la Photographie, 1984

« À un certain moment j’ai jugé que cette série de vérifications était achevée et j’ai décidé de conclure par la même image que celle qui m’avait permis de commencer. J’ai agi en fait comme un graveur qui barre son cuivre, une fois le tirage terminé : le verre, dont la cassure a une importance décisive pour ma composition, donne un caractère propre, physique autant que visuel, à l’image et, de plus, une fois cassé, il interdit toute répétition de l’opération. La conséquence de mon geste, c’est une nouvelle image, différente de la première. Cette rupture radicale m’a conduit à réfléchir sur le sens profond de mon hommage à Niépce. J’ai pensé alors à Duchamp : mais ce n’est pas tellement l’existence du Grand Verre brisé de ce dernier qui m’a amené à faire ce rapprochement, que l’influence, inconsciente sans doute, de la technique du non-faire pratiquée par cet artiste. Son attitude, décisive pour l’art contemporain, a conditionné une grande part de mes recherches. C’est pour cette raison que cette dernière photographique lui est dédiée. »

–Ugo Mulas, Dernière Vérification extrait de la légende de Fin des Vérifications, pour Marcel Duchamp, catalogue de l’exposition Ugo Mulas fotografo 1928-1973, Musée d’art et d’histoire de Genève, Fondation Suisse pour la Photographie, 1984

Gilbert Simondon, « Imagination et invention : 1965-66 » Éditions de la Transparence, 2008 ↩︎
Ugo Mulas, Vérification 1, Hommage à Niépce, 1971 & Fin des vérifications. Pour Marcel Duchamp, 1971. Seront présents dans la planche iconographique en fin de carnet des extraits de leur légende par l’auteur ainsi que ces images (ré)inversées afin de donner un aperçu relatif du champ visuel de l’artiste dans son laboratoire. ↩︎
Un axiome (αξιωμα/axioma) est une proposition reconnue comme vraie, sans preuve nécessaire, et sert de fondation à un raisonnement. L’axiome 1+1=2 sert de fondement aux mathématiques, et tout le reste découle de cette proposition de base. ↩︎
le kintsugi désigne la pratique de l’urushi tsugi (raccommodage à la laque) avec de l’or, il existe également le gintsugi avec de l’argent, ou encore d’autres pour le cuivre, le laiton… ↩︎

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participation

L’impact de la culture hacker sur la création n’a pas, comme me l’aura précisé Pierrick Faure, opéré une révolution dans la production, mais plutôt une redistribution des savoirs et des rôles de chaque agent d’une chaîne de consommation. Selon son mémoire de recherche Machines à Faire, le designer se mêle aux producteurs en travaillant de concours avec les machines. Avec des Tiers Lieux de fabrication ou de réparation, le consommateur-amateur peut aussi s’improviser concepteur ou designer. Diverses typologies de participation sont observables dans le monde de l’art et du design.

restreindre pour étendre

Afin de répondre à une potentielle paralysie du choix, où trop de possibilités s’offrent à un individu pour qu’il puisse en sélectionner une, en réduire le nombre semble être une piste à privilégier.

par un outil spécifique : normographe

À partir d’un objet restreignant les possibilités d’action d’un créateur, celui-ci pourra amorcer une démarche d’exploration de ses limites. C’est la proposition de l’atelier Normotype de Roch Deniau, durant le Festival de l’Affiche de Chaumont 2013 : les participants se voient donner un normographe avec des formes graphiques de base. Chacun doit inventer sa forme de lettre avec ces formes, cela dit, l’espace de l’affiche reste ouvert à d’autres expérimentations ne relevant pas de la typographie.

La restriction de formes du normographe dicte un chemin tracé par un crayon dans les bordures de plexiglass, mais il reste beaucoup de paramètres sur lesquels jouer afin de créer de la variété dans le trait : la couleur, l’orientation et l’épaisseur de la mine… Pour aller plus loin, le placement du normographe n’est pas conditionné et les formes tracées ne sont pas tenues d’être connectées, alignées ou autre… Un outil destiné au dessin de caractères modulaires basiques peut alors servir de catalyseur à d’autres comportements étant donné qu’il ne les empêche pas.

machines déterminées

Un tel principe est transférable avec des machines, pour exemple précurseur de ce qu’on appelle l’art numérique, le travail de Vera Molnar¹ est sans doute une référence importante. Je vais ici me concentrer sur ses oeuvres réalisées au plotter, ou traceur en français. Basiquement, il s’agit d’une machine tenant un crayon, servant originellement à la réalisation de graphiques, de concours avec les imprimantes dot matrix, à matrices de points, réservées au texte. Et non le traceur comme imprimante de grands formats par jet d’encre, commun pour les architectes (la technologie du jet d’encre étant prohibitivement chère encore à la fin des années 60)

L’objet de ses travaux était de questionner la position de la main de l’artiste par rapport aux œuvres qu’il réalise, en effet, ses réalisations sont issues d’un programme qu’elle écrivait sur un ordinateur, ce dernier l’interprétant pour l’imprimer sur le traceur. Ses créations assistées par ordinateur reposent sur la contrainte de ses outils : le code ainsi qu’une imprimante seulement capable de réaliser des traits. C’est la base de ce que l’on appelle maintenant le design génératif : le designer met en œuvre un processus capable de générer une série de productions.

Aujourd’hui les plotter comme le Silhouette, sont présents dans quasiment tous les fablabs, écoles de graphisme ou bien les atelier de scrapbooking¹. Les outils explorés par Vera Molnar sont maintenant accessibles à un large public, et il est possible de singer son travail, comme des (vieux) exemples de réalisations personnelles sur ce genre d’outil, ou bien des graphistes comme le font le duo de graphistes Superscript²². On peut observer alors l’apparition de polices de caractères spécifiques à cet outil : les single line typefaces, constituées d’un trait unique, sans épaisseur. Ces formes ont pour conséquence de ne donner qu’un chemin à la tête tenant un crayon, et il est possible de faire varier les paramètres en changeant le crayon, le papier, etc…

indétermination et input

Dans une dimension similaire, le travail de Conditional Design, collectif de designers composé de Luna Maurer, Edo Paulus, Jonathan Puckey et Roel Wouters, est intéressant dans son appropriation de la notion de processus. Chaque réalisation du collectif est accompagnée de son protocole, le nom des participants et éventuellement d’une liste du matériel utilisé. Cela est mis en place pour permettre sa reproductibilité par d’autres individus.

« The process is the product […] Logic is our tool […]Input is our material »

Le processus est le produit; la logique est notre outil; l’intrant est notre matériau.

–Manifeste de Conditional Design, conditionaldesign.org/manifesto/

Ce qui fait tout l’intérêt du travail du collectif, c’est leur input, ce qu’ils injectent dans leur processus idéal pour produire : l’humain et des outils bien matériels. Les protocoles qu’ils mettent en place ressemblent en tout lieu à un programme informatique de haut niveau³, habituellement en opération dans un environnement mathématique contrôlé. Mais c’est l’implication d’êtres humains dans l’interprétation de ce « code » qui va créer la particularité : les instructions peuvent être volontairement vagues pour laisser une part d’interprétation du côté du participant, leurs imprécisions et erreurs sont amplifiées au fur et à mesure que le protocole est répété dans des sessions de jeu⁴.

nourris en retour et sourçage à la foule (feedback & crowdsourcing)

L’intérêt des méthodes de conception ouvertes, outre la mise à disposition de tous les éléments constitutifs d’un projet pour se les approprier, le travail de documentation est extrêmement précieux. C’est d’ailleurs ce qui ressort le plupart du temps dans les fablabs, chacun de mes entretiens et expériences auront souligné son importance (pouvant parfois manquer par ailleurs, cf. interview d’A.Langlais). De formes et qualités variées, ces travaux constituent un vivier de documents didactiques utiles à analyser et potentiellement réexploitables. Le manifeste Proposta per autoprogettazione⁵, propose un objet ouvert, une chaise en kit, avec son plan et un système de montage basique à clous. Le geste artistique tient dans l’évolution de cet objet lorsqu’il est approprié et modifié par le public : Enzo Mari demandait à ce qu’on lui fasse parvenir une documentation sur les objets modifiés, afin de les partager et entretenir une tendance à améliorer, faire émerger de nouveaux objets.

« J’ai pensé que si les gens étaient encouragés à construire de leur main une table, ils étaient alors à même de comprendre la pensée cachée derrière celle-ci. »

Enzo Mari

Enzo Mari affirme dans autoprogrettazione une production décentralisée, reposant sur quelques principes de base. Il s’agit d’un des premiers exemples d’un objet open source, faisant porter un regard différent sur un travail de designer produit. Pour ce qui est des méthodes open source, il y a toujours un système standard appliqué avec lequel chaque contributeur compose, par exemple, Wikipedia possède des règles de syntaxe et de hiérarchie fixes, modérées par des bénévoles. Ce qui fait que le résultat de telles méthodes sera toujours considéré comme le produit d’un ou plusieurs individus, et de son principe collaboratif et communautaire. Le créateur conserve son lien avec un collectif.

La machine, ou un outil spécifique ne sont là que pour proposer un processus à un usager, celui-ci peut l’appliquer comme bon lui semble. Le processus ouvre la porte à une certaine cohérence assistée, permettant un semblant de série, mais au fort potentiel de différenciation. Un artiste peut être à l’origine d’un processus, mais nécessite l’intervention créatrice d’un intermédiaire appliquant ce processus. Chaque manière de faire porte en elle une certaine indétermination qui peut être exploitée pour distordre, rompre une régularité pour produire quelque chose d’inédit. Et l’émergence de nouvelles formes peut tenir en l’inclusion d’un grand nombre d’acteurs qui chacun s’approprieraient ce processus.

Quelle marge peut-on laisser à un usager dans le processus productif tout en qualifiant le travail comme émanant d’un designer graphique ?
Peut-on imaginer une techno-esthétique issue d’un processus participatif ?
Comment signaler un objet ouvert/appropriable/participatif ?

Le scrapbooking est un art créatif consistant en la mise en valeur de photos par découpages de divers papiers, de mise en forme et d’ornementation. L’usage d’un plotter Silhouette dans sa fonction découpeuse y est précieux. ↩︎
Superscript², cartels pour la résidence de Lisa Roussel, 2019
Réalisés avec un crayon contrôlé par ordinateur. Les lettres single line utilisées ont été créées spécifiquement pour cet usage ↩︎
un programme informatique de haut niveau utilise un langage de programmation relativement intelligible pour un être humain, la notion de niveau indique la quantité de niveaux d’abstractions en place, en d’autres mots, le nombre de couches de codes différents pour traduire le code en une information intelligible pour un processeur d’ordinateur (bas niveau). ↩︎
Conditional Design, On the 4th of March, 2009, we drew the perfect circle
Ici un exemple très parlant de ce processus d’amplification de l’erreur, l’empilement des cercles concentriques se repose sur le précédent. ↩︎
Proposta per un’autoprogettazione, 1974, Enzo Mari, éditions Corraini ↩︎
Vera Molnar, Hommage à Dürer, 255 variations aléatoires, direction chaos, 1990 ↩︎

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diffuser un fonctionnement

La propriété d’une couche intermédiaire, c’est son aspect hybride entre un langage formel technique et une autre esthétique. Quand cette couche est exposée, elle peut servir de support communiquant son fonctionnement, ou alors la mettre en spectacle.

méthode en exposition

structure en vue

En architecture, le Centre Pompidou, des architectes Renzo Piano et Richard Rodgers, est représentatif du mouvement High-Tech dans les années 70. Il s’agit d’un courant architectural prenant le langage formel, esthétique et coloré des industries. Il est possible de le relier à une évolution du brutalisme¹ appliqué à des structures manufacturées ou métalliques. Il est également inspiré des utopies post-modernistes anglaises d’Archigram², dont la fantaisie visuelle rappelle les productions de science-fiction et de comics à l’âge de la course à l’espace.

Pour en venir à sa conception, l’esthétique du bâtiment repose sur l’extériorisation de tout ce qui a affaire à de la structure, de la conduite ou de la logistique. L’objectif étant de garantir la plus grande modularité à ce que contiendrait le musée, les étages pouvant être entièrement déplacés suivant la grille tracée par les piliers entourant le bâtiment. De plus, et c’est là que le bâtiment communique son fonctionnement : chaque fonction dans les pièces de la structure se voit attribuée une couleur, permettant d’identifier les conduites d’air, d’électricité, d’eau, etc… Le bâtiment n’a pas de façade à proprement parler, car c’est l’intrication dense de la structure qui « fait façade », non par non-choix, mais en en assumant totalement ses formes spécifiques, le retournant en une techno-esthétique.

Ce choix architectural fort aura suscité de vives critiques, les détracteurs auront (à raison) comparé le Centre Pompidou à une plate-forme pétrolière. Ces critiques portent principalement sur la rupture architecturale que crée le bâtiment dans le paysage d’immeubles haussmanniens cossus bien lisses et agréables. De telles réactions, non seulement témoignent d’un rejet de toute esthétique technique assumée dans le champ du quotidien (mis à part dans les raffineries de pétrole si l’on y travaille), mais révèlent aussi un rapport hostile à cette esthétique pour un espace culturel.

À contrepied, les livres manuscrits du Moyen-Âge étaient parcourus de tracés régulateurs, visant à encadrer la zone d’écriture pour les copistes. Ces tracés étaient rarement effacés et leur nécessité les rendait acceptables. Les incunables³ usèrent également de ces tracés alors que leur nécessité n’était plus avérée : le texte est cerné dans un bloc solidaire par l’impression. Ce choix aura été fait pour conserver une habitude visuelle. C’est là un exemple de forme structurelle esthétiquement acceptable en quelque sorte. Il est alors possible d’affirmer qu’une techno-esthétique est acceptable dès lors qu’elle entre dans l’habitude d’un individu, que l’on peut étendre à la culture d’une civilisation.

Le cas des pièges à encre dans la typographie est également, aujourd’hui, une esthétique ayant perdu sa pertinence. Son utilité originelle s’observait dans l’impression de caractères en petit format et/ou sur des papiers absorbant ou diffusant l’encre appliquée, ces pièges étant remplis à l’impression, ils évitaient une saturation d’encre dans la fibre du papier. Ce fut principalement utilisé dans des ouvrages conséquents tels que des annuaires, pour exemple le Bell Centennial de Matthew Carter (1975-8), dont les caractères destinés aux listes en petit format ont les détails de leurs angles creusés dans leur dessin, mais qui sont résorbés à l’impression par la diffusion de l’encre. Ces pièges répondant à un problème technique maintenant devenu marginal, la présence de pièges à encre témoigne souvent de choix esthétiques spécifiques.

« C’est en outre une écriture radicale, à contre-courant de certains canons : les « pièges à encre » — traduction littérale de l’anglais ink trap, — habituellement prévus pour une utilisation à de très petits corps, sont ici proéminents. Cette particularité du dessin de lettre, à l’origine fonctionnelle, est réinterprétée et devient un ornement exubérant »

–Julien Lelièvre, Emmanuel Labard & Jean-Baptiste Levée, Musée Picasso Paris, 2013 Concours pour l’identité visuelle (Projet non retenu, 2e position)

l’outil-performance

La Machine à Typographier d’Élise Gay et Kévin Donnot consiste en une machine spectaculaire (cf.Pierrick Faure) mise en œuvre dans la ville du Havre en mai 2011. Son fonctionnement repose sur six pistolets à peinture alignés sur un axe à roulettes dont la projection en peinture est contrôlée par un système électronique par rapport à la distance parcourue par les roulettes. Son fonctionnement est très réminiscent d’une imprimante jet d’encre ultra-simplifiée et où les têtes d’impression sont contrôlées par la main d’un opérateur. Les lettres émises rappellent également des affichages numériques primitifs, comme les affichages de bus ou d’autoroutes.

Outre l’aspect pratique d’imprimer des lettres en grand format sur toute surface accessible par l’opérateur, cette machine fait office de performance dans son maniement. La construction volontairement rudimentaire expose clairement les six pistolets à peinture et permet d’immédiatement saisir la potentialité d’un tel dispositif. Sa manipulation ou son fonctionnement ne sont pas nécessairement assurés d’être corrects, demandant un certain apprivoisement, mais le principe est clairement lisible et laisse une ouverture à l’inspiration.

La notion de performance est importante dans l’usage de cette machine, en effet, les formes en étant émises peuvent très bien être émulées par une utilisation manuelle des mêmes pistolets, ou d’autres techniques plus sophistiquées. La Machine à Typographier propose un moyen de projeter sur une surface quasi-plane des lettres composées sur cinq lignes (la sixième étant réservée aux accents) de manière reproductible. J’appuie sur la notion de reproductibilité et non de régularité car la projection de peinture est laissée sans protection contre du vent, et la peinture peut ne pas adhérer correctement, couler, ce sont des marques d’irrégularité incluses dans la conception même de la machine et constituant sa particularité en tant qu’outil.

langages de transmission

méthodes de transmission

Dans la culture hacker, la notion de logiciels open source est également importante. Il s’agit de programmes informatiques dont le code source est disponible, c’est à dire le code avant qu’il soit compilé dans un fichier exécutable en « langage machine » très difficilement lisible pour un être humain. Plutôt que de définir le mouvement du logiciel libre⁴, je vais me concentrer sur les principes et méthodes qui ont été mises en place pour diffuser l’acte de programmation.

Bien que cela ne semble impliquer que de laisser le fichier source ouvert, un code laissé comme tel va demander un lourd travail de rétro-ingénierie à quiconque voudrait s’y atteler, si ce n’est impossible. Alors une grande importance est donnée au commentaire et à la documentation d’un projet, permettant de comprendre certains choix ou bien décrivant la manière dont un bloc de code sera interprété par l’ordinateur.

Le commentaire se met en forme dans le cœur du code, entouré de caractères spéciaux interprétés par les logiciels de traitement de texte de code par une couleur neutre et grisée. On peut alors parler là de transmission in situ, transférable dans le monde physique, cela pourrait être les inscriptions d’une carte électronique, servant au montage et éventuellement à une schématisation du fonctionnement. La documentation, comme son nom l’indique, est un document joint au projet décrivant les fonctions, usages et parfois la méthode de ceux-ci. C’est tout à fait comparable à un manuel d’utilisation dans son usage.

Il est commun, dans un travail de développement logiciel, d’utiliser un logiciel de gestion de versions⁵, c’est particulièrement utile dans un projet en équipe, ou décentralisé. Le fonctionnement est assimilé grossièrement à un arbre. Utiliser ces méthodes implique de documenter et commenter ses forks, ou branches pour permettre à ses collègues de saisir les modifications à l’œuvre avant de faire un commit dans le trunk. Une certaine discipline d’écriture de code est aussi à adopter pour garantir une bonne lecture de tous. C’est une règle consensuelle de lisibilisation admise par tous qui permet, dans l’idéal, l’ouverture aux couches intermédiaires et internes d’un logiciel à quelqu’un souhaitant y accéder.

généralisation de données

Dans le registre de la communication, la data-visualisation est un support didactique important qui met en œuvre un système graphique pour présenter une modélisation d’une situation sur la base de données concrètes (pour une cartographie objective, ou traditionnelle). Victor Alexandre⁶, data-journaliste au Parisien, souligne l’importance de la consensualité des formes utilisées dans son travail pour des raisons d’efficacité immédiate pour une cible variée et large. Cela implique que le travail de visualisation de données, selon lui, revient malgré tout à mentir, où l’agrégation de données « bâillonne les situations individuelles ».

Là-dessus, la généralisation en design graphique peut amener à l’adoption d’un langage commun, c’est du moins ce qu’auraient entrepris dans les années 20 Otto Neurath, philosophe et Gerd Arnt, graphiste, avec le standard ISOTYPE. D’abord conçu pour développer un langage universel pour l’apprentissage, puis réutilisé pour la signalisation que l’on connaît aujourd’hui, ce standard repose sur le principe « one size fits all »⁷. Ce système s’est composé à partir d’une base statistique qui va de fait généraliser des phénomènes cognitifs pouvant être nuancés par une infinité de facteurs extérieurs et notamment la culture dans le cadre d’un projet à portée universelle.

« In a nutshell, there’s no universal recipe »

–Steve Haroz, chercheur en perception visuelle, fin de conférence à Datarama#4, le 18 septembre 2019, Nantes

données personnelles

Dans le domaine de la cartographie, les cartes subjectives sont un cas très intéressant de diffusion d’information en invoquant un langage graphique entre une objectivité propre à la cartographie classique, et une sensibilité personnelle parfois maladroite (cartographies d’enfant) dans la représentation d’un espace. Les exemples ici présentés élargissent la notion de transmission non pas dans sa cible, comme les langages à portée universelle, mais au contraire, des biais plus personnels.

Toute modélisation d’un espace demande une légende pour permettre sa lecture : l’échelle, les motifs ou couleurs de territoires, des flèches, pictogrammes… L’exemple de la Carte du sol et du ciel de Berlin n’échappe pas à la règle, d’un graphisme de Guillaume Carreau avec les données issues d’un atelier coordonné par Catherine Jourdan. La codification à l’œuvre dénote cependant des cartographies classiques, non seulement par la source des données, mais aussi par l’abstraction du territoire. Le repérage se base sur des sensations et des récits personnels, cette carte pourrait servir à se repérer dans un espace vu par les gens qui la raconte, et non une présentation froide et factuelle.

L’usage de cette carte de Berlin offre à quiconque la consulte une expérience de navigation inédite et éminemment atypique, en laissant une part d’interprétation des informations propre à chacun. La représentation de données ne vise pas une efficacité dans le déplacement, mais une immersion sensible dans l’espace urbain, semblable à un jeu de piste farfelu.

« Comment Nantes imagine Berlin ? Comment Berlin imagine Nantes ?

C’est en partant de ces deux questions qu’un projet artistique est né : Imaginer, créer et publier la carte d’une ville où vous n’êtes jamais allé…

Un groupe d’artistes nantais s’est joint à ce projet mis en place par Catherine Jourdan pour relever le défi: se faire les géographes de Berlin en laissant leur fantasme dessiner. Du côté berlinois, un autre groupe d’artistes regroupés autour du Musée des Choses Inouïes, se chargea d’imaginer la carte de Nantes.

Pour nourrir leur imagination, les artistes des deux villes ont mis en place une correspondance de 5 mois, expédiant régulièrement de chaque côté de la frontière, des traces de leur ville. Ces envois ont alimenté l’imaginaire de la ville de l’Autre… L’objectif du projet était de réaliser une carte subjective dans la tradition des cartes « utopiques » »

–Présentation de la carte de Berlin vu par les nantais, projet coordonné par Catherine Jourdan et Béatrice Nicolas, depuis le site geographiesubjective.org

expliquer en tant qu’individu sensible & subjectif

La manière dont un objet (technique, textuel, spatial…) est raconté peut influencer la manière dont il est consommé ou utilisé. La mise en tension de la cartographie subjective et des méthodes de travail ou de transmission universalisantes permet d’imaginer des modes de diffusion d’informations techniques plus libres. Pouvant être tout aussi parlantes, si ce n’est plus, pour un individu qu’un compte-rendu rigoureux d’une méthode. Cela peut également résonner avec ce qu’Alice Langlais (voir entretien F@briquet) expliquait dans la manière dont le fablab proposait aux enfants de manipuler des techniques en analogie avec des machines : utiliser le crayon 3d pour saisir le fonctionnement d’une imprimante 3d.

Divers supports d’apprentissage ou de médiation peuvent être imaginés à partir de cette piste, que ce soient des manuels, dépliants, interventions in situ… Le véhicule de l’information à transmettre reste encore ouvert pour s’adapter à de nombreuses situations. C’est la manière dont l’information est mise en forme et exprimée qui peut avoir un poids dans la compréhension ou la non-compréhension d’une technique. Alors injecter de la subjectivité, de la personnalisation dans les supports didactiques peut constituer un projet de design graphique susceptible de favoriser une forme de curiosité.

Comment une production de design graphique peut-elle lisibiliser la compréhension subjective d’un sujet ?
Quel équilibre entre expressivité et didactique objective dans une techno-esthétique ?
De quelle manière donner à lire une image fantasmée ?

Le brutalisme est un mouvement architectural des années 50-60, embrassant la matérialité des matériaux employés, principalement le béton. Il s’inscrit dans la pensée moderniste post-seconde guerre mondiale durant la recherche d’efficacité architecturale dans une Europe à reconstruire ↩︎
au dessus : concept du Centre Pompidou, Renzo Piano, vers 1971
en dessous : Plug In City, Peter Cook, 1964, membre d’Archigram ↩︎
le terme incunable désigne les premiers livres imprimés, par convention précédant l’an 1500 ↩︎
pour aller plus loin, le manifeste GNU (Richard Stallman, 1983-7) en définit les principes. Le terme open source a été créé plus tard pour marquer une rupture avec le logiciel libre tout en en gardant certains principes. Pour faire court : un logiciel libre est open source, mais l’inverse n’est pas forcément vrai ↩︎
shéma de principe basique d’un développement par versions, le master/trunk n’est pas altéré par une modification (fork) qu’en en commitant une qui est stable ↩︎
rencontré dans la conférence Dataviz’, une esthétique du réel ?, dans le cadre de Datarama#4, le 18 septembre 2019 à Nantes ↩︎
Littéralement « une taille pour tous », cette expression encadre les démarches de généralisation radicale. ↩︎

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décomposer l’objet

Une réponse littérale à la séparation d’un objet et de sa couche externe, c’est sa séparation avec les couches inférieures. Si la vision de sa surface est une illusion, alors la retirer ferait disparaître les problèmes d’enrayage de la lisibilité de sa réalité technique. Cela pourrait également se rapporter, dans une démarche extrême, à l’atomisation, la décomposition en un grand nombre de plus petites parties.

Les conditions d’apparition d’une telle démarche sont observables dans des environnements particuliers, ici l’exemple des bricolages populaires de l’île de Cuba durant les pénuries de la fin du XXe siècle.

Rikimbili : la nécessité forçant la désobéissance

les pénuries suite à l’embargo cubain, terreau fertile

Suite à l’embargo des États-Unis, l’île communiste de Cuba s’est retrouvée privée d’une source de produits et de savoir-faire importante. Seule l’URSS assure l’approvisionnement, les cubains se trouvaient dans une situation matérielle délicate, appelant à la débrouillardise. À partir de la chute du bloc soviétique, la pénurie s’aggrave. La débrouillardise s’est exprimée par des objets faits avec les moyens du bord, souvent dangereux. « Rikimbili » (risible en espagnol) désigne à la base les divers vélos motorisés à partir de pièces de lave-linge et autres machines du quotidien¹. Ils symbolisent la production populaire cubaine : instable, dangereuse, inventive, bricolée dans un contexte très dur.

des pratiques émergentes

L’Association Nationale des Innovateurs et Rationalistes (ANIR) a été créée après le départ des ingénieurs américains dans les années 60 (fondée officiellement en 1976) s’est chargée d’assurer l’utilisation et la maintenance des machines industrielles nationales²³. Ce comité de scientifiques et ingénieurs s’est organisé afin de trouver des solutions alternatives aux problèmes causés par les pénuries. Il s’agit là d’une organisation institutionnalisée, mais on observe aussi des pratiques individuelles, recensées dans des livres distribués au peuple, comme le « Con nuestros proprios esfuerzos »⁴ (Avec nos propres efforts). La création et le détournement sont populaires,répondant à la situation de crise.

« Au début de la période spéciale [crise suivant la chute de l’URSS], les Cubains ont créé des substituts instantanés4 - des objets ou des solutions provisoires - pour résoudre leurs problèmes jusqu’à la disparition de la nouvelle crise. Au fil des années et à cause de la pénurie persistante, ils ont repris confiance en eux et ont dû faire face à tous les problèmes de logement, de transport, de vêtements et d’appareils électroménagers. »

–Ernesto Oroza, Notes on Technological Desobedience, 2016

Dans une situation de nécessité, il semble que des pratiques de résilience se mettent en place. Et dans le cas des objets techniques et des machines, qu’une réappropriation soit la solution apparaissant organiquement. Le bricolage temporaire se développant en solution durable.

à une désobéissance technologique

Ce qui est important du point de vue du design dans ce mouvement, c’est la mutation de la relation aux objets techniques. Ernesto Oroza, auteur de « Rikimbili », designer et collectionneur de bricolages cubains, décrit :

« Un cubain c’est comme un chirurgien expérimenté, devenu insensible à la vue du sang, la vue et l’odeur des organes : après avoir ouvert un ventilateur, il finit par ne voir que l’intérieur des choses, voit une unité par ses composants »

Oroza décrit le comportement du peuple cubain comme une « désobéissance technologique » dans le cas d’un objet technique, dont la forme suit un scénario d’usage précis imposé à l’usager. C’est la notion d’affordance, la capacité d’un objet à faire voir son usage. La désobéissance a lieu dans la déconstruction de l’affordance d’un objet, et donc ne plus le voir comme un artefact unique, mais comme une somme de parties, un assemblage.

le vélo comme archétype de l’objet transparent

Comme aura pu me dire Marie Hujibregts, le vélo comme objet technique serait l’exemple parfait de l’objet transparent : l’entièreté de son fonctionnement est observable, accroché de part et d’autre du cadre métallique. Mis à part un carter sur le chemin de la chaîne, prévenant un pantalon ou un lacet de se prendre dans la mécanique, un simple coup d’oeil permet de diagnostiquer un vélo défaillant (pour des raisons mécaniques).

Que ce soit le vélo qui représente l’inventivité des cubains par le terme de Rikimbili n’est, selon ce fait, pas un hasard. Il s’agit d’un moyen de transport fiable et manipulable. Sa conception ouverte permet toutes sortes d’interventions, esthétiques ou techniques. Par l’ajout d’un moyen de propulsion motorisé, le vélo tend vers la catégorie du Solex, mais avec une grande variété de principes techniques et assemblages. Chaque Rikimbili propose une réponse singulière à un problème commun.

En partant du vélo, un objet décomposé se définirait par sa capacité à permettre une lecture transversale de son fonctionnement. Les organes, les chemins de transmission de force mécanique et points d’entrée (d’input) sont visibles et lisibles par l’usager. Cela s’approche de la définition de la couche intermédiaire de l’objet technique.

le Design Diffus, retourner l’enveloppe

La carrosserie, la coque d’un objet est l’apanage du designer d’objet, c’est ce qui fait l’interface entre l’usager et l’objet. Les deux batteurs à œufs ci-dessous remplissent la même fonction (si l’on omet le mixeur accessoire du batteur Braun) tout en étant différemment parés. Selon Camille Bosqué, ces deux objets répondent pourtant aux mêmes principes du bon design de D.Rahms⁵.

« Un bon design est inventif. Un bon design conçoit un produit utile. Un bon design est beau. Un bon design aide un produit à être compris. Un bon design est honnête. Un bon design est durable. Un bon design dure longtemps. Un bon design est cohérent jusqu’au moindre détail. Un bon design prend en compte l’environnement. Un bon design, c’est aussi peu design que possible. »

Le premier⁶ (batteur Braun) en est l’interprétation des années 60 modernistes, du tout-plastique et le second⁷ répond à ce qu’elle appelle le Design Diffus (voir glossaire). Le Design Diffus répond à des principes comme la transparence au sens propre, où la coque disparaît pour laisser la voie à « d’autres possibilités d’invention et d’innovation ouverte » et où « la mise au secret est exclue ». En d’autres termes, le principe de Design Diffus se veut l’antithèse d’une conception par coques fermées, qui unifient les composants d’un objet en un tout solide et opaque.

rendre visible et lisible la structure d’un objet éditorial

Si un objet décoposé permet une lecture transversale de son assemblage, en terme de design graphique, cela pourrait s’exprimer dans une forme primitive par le sommaire d’un livre, ou encore du menu d’un site web. Divers autres dispositifs peuvent aussi entrer en ligne de compte pour permettre de traverser un ouvrage : l’intercalaire, l’usage de papiers de différentes épaisseurs pour stopper le feuilletage, des ancres numériques pour magnétiser le scroll… Le questionnement pourrait être prolongé sur une réflexion sur la forme générale d’un objet éditorial, son assemblage et le cheminement. Tout cela dépendant du contexte et du but d’un tel objet.

Le présent mémoire, dans sa constitution en carnets et dépliants à assembler et à plusieurs chemins de lecture potentiels, présente une proposition préliminaire à ce genre de questionnement. Par la séparation physique des parties d’un ouvrage, celui-ci peut être abordé de multiples manières, laissant à un individu le parcourant la liberté de constituer ses propres entrées et chemins de lecture d’un objet. La multiplication des parties du livre peut étendre les scénarios et parcours de lecture : en n’offrant pas une vision monolithique, on implique un rapport actif à l’objet.

Comment un objet éditorial peut-il développer sa potentialité usuelle (de lecture) ?
Comment lire à travers un objet éditorial ?

Ernesto Oroza, reportage « Cuba’s DIY inventions from 30 years of isolation », Motherboard, publié le 20 juin 2013 ↩︎
New Art of Cuba : Revised Edition, Luis Camnitzer 2003 (original 1994), Unviersity of Texas Press : Austin, p,305 ↩︎
« travailleur, fabrique tes propres machines ! » Affiche du ministère de l’Industrie cubain, sérigraphie, 1961 ↩︎
Con Nuestros Proprios Esfuerzos, Editora Verde Olivo, Cuba, 1992 ↩︎
Camille Bosqué, « Un Design Diffus », Objectiver, 2017, éditions Cité du Design (Saint Étienne) ↩︎
Batteur à œufs Braun KM2 Multiwerk, Dieter Rahms & Ricahrd Fischer, 1965 ↩︎
Batteur à œufs, série Hacking Households, Jesse Howard, 2014 ↩︎

parcourez la planche iconographique avec la molette de la souris (x/y)

conclusion

Comme énoncé dans l’introduction, ni les designers ni les hackers ne sauveront un monde en constante obsolescence. À travers la grille de lecture de la culture hacker et de ses ramifications (l’open design, la culture libre et les TiersLieux de fabrication) ce monde révèle certains freins à une appropriation des objets techniques et du maintien de leur fonctionnement. Or l’appropriation de ce monde désincarné décrit par Matthew Crawford serait un levier permettant une reprise de contact.

D’abord, le contexte dans lequel cette étude s’inscrit est celui d’un constat d’accélération des modes de vie, de communication et de consommation. L’augmentation rapide de la production d’objets techniques, de plus en plus sophistiqués, bon marché et industrialisés aura mené à une évolution technique sans pareille. Cependant, la montée en complexité du champ de la technique en aura complexifié de plus en plus l’accès à chacun étant relégué au rang d’usager passif. C’est d’ailleurs un rapport magique à la technique qui se développe dans un contexte d’industrie exacerbée à la seconde moitié du XXe siècle. Le mythe de l’automate -d’un remplaçant mécanique de l’être humain ainsi qu’une croyance aveugle en des solutions techniques comme des réponses neutres à des problèmes- soulève des points définissant la société « mal technicienne » de Gilbert Simondon.

Le cas de l’obsolescence est un sujet épineux qu’il est bon d’observer dans toutes ses dimensions afin d’en saisir les subtilités et zones d’ombre. Ses mécanismes se sont constitués dans un environnement basé sur un modèle économique encourageant une croissance infinie et une accélération exponentielle de l’innovation. À partir de tels principes de base, divers effets pervers peuvent se manifester : gaspillage, exploitation, délocalisation, et, dans le cas nous intéressant, obsolescence accélérée. Bien qu’il soit admis qu’un objet puisse devenir obsolescent ou inutile par des biais mécaniques (usure) soit parfaitement normal, c’est souvent une usure précoce qui est pointée du doigt. C’est aussi un moyen de déculpabiliser, car après tout, « c’est fait pour tomber en panne ». Or une fragilité intentionnelle, bien qu’avérée, n’est pas le seul facteur d’obsolescence : la dimension psychologique est également très importante. Outre la publicité et effets de mode, cette tendance se cristallise dans les phénomènes de coque, qui, par des moyens de design, pèsent dans les effets de mode, encadrent les usages et opacifient une certaine réalité technique. Ce sont ici des remarques à nuancer par les avantages pratiques et de sécurité de tels dispositifs. C’est cette enveloppe psychologique qui empêche toute prise en main de la part d’un usager souhaitant passer à un rapport plus actif lui permettant de s’approprier un objet.

La culture hacker, comme la décrit Michel Lallement, se distingue par son origine à la croisée entre l’univers technicien des milieux universitaires états-uniens et les communautés contestataires anarchistes californiennes. Leur rapport à la technique est remarquable d’une volonté de se servir d’un savoir-faire hors du cadre professionnel et productif. J’ajoute ici qu’il s’agit d’un prolongement de la philosophie du travail nord-américaine, dont découlent également les start-up et les communautés intentionnelles. Sans l’avoir abordé, je garde à l’esprit ce domaine satellite dans mon analyse pour ajuster mon positionnement à un environnement européen/français. Il est possible de relier la notion de hack à celle du bidouillage, la prise d’action par le biais de la technique avec une approche de bricoleur. La dimension anarchiste apporte un sens de l’égalité permettant de se faire valoir par le faire, et non des qualifications (bien qu’étant nécessaires, ce ne sont pas des facteurs de hiérarchie en soi).

Par la description de travaux de designer issus directement ou que je relie à ma vision de ce qu’est la culture hacker. J’aurai concrétisé une image de ce que pourrait être un designer graphique affilié aux valeurs hacker. Approcher la création graphique ainsi que les outils d’un graphiste avec les yeux et les mains d’un bidouilleur ouvre les possibilités créatives de ces outils comme celles des créateurs. Un rapport sensible aux machines et aux outils est la condition de l’atypique, d’une esthétique intégrant les machines sciemment dans le processus, éveillant également un intérêt pour celles-ci.

À partir de ces fondations, une intention maîtresse et trois moyens sont tracés. Si les coques sont responsables de l’opacification d’une barrière entre l’usager et la réalité d’une technique, il est alors important d’en rappeler la présence, où la vision de la surface d’un objet substitue la lecture de son entièreté. Cela appelle à en exploser l’unicité, par la dichotomisation, comme moyen de lecture transversal des multiples couches composant un objet technique. De plus, en diffuser et en expliquer le fonctionnement reste une tâche importante pour garantir une compréhension d’un objet dont les couches intermédiaires sont parfois muettes ou illisibles. Parfois même, le langage (formel) utilisé ne convient pas nécessairement à tous et ce peut être une piste intéressante de communiquer un fonctionnement de manières subjectives. Pour convenir aux tendances horizontales de la réattribution des rôles et savoirs (émanant des vagues de hacker), la participation est un enjeu important dans une production, qui favorise des usages et interprétations de la technique plus variées, hors d’un « one best way » parfois restrictif.

Le travail de recherche constitué ici comprend le rassemblement de diverses références comme une tentative de lecture du monde à travers une idéologie revendiquée. Bien qu’ayant conscience des multiples tenants et aboutissants des problèmes évoqués, j’ai souhaité maintenir ma lecture dans ce cadre défini. Cela correspond également à l’approche du design dans laquelle je me suis développé, conditionné par mes études et mes lectures comme décrites dans l’introduction de ce mémoire. Les références analysées relèvent à la fois d’une situation propice à un travail de l’ordre du hacking, tout en en montrant sa place marginale avec des productions uniques ou reléguées à des musées, performances exceptionnelles. Par un rapport à un design plus ouvert, il paraît envisageable de permettre plus de pouvoir d’emprise sur les objets (graphiques, matériels, informatiques) chez un utilisateur devenant plus actif. Sans nécessairement sortir radicalement d’un consumérisme, l’implication d’usagers permet de le conscientiser sur les pratiques de producteurs souvent trop éloignés symboliquement. L’utilisateur-consommateur, sans avoir à remplir le rôle d’un opérateur, peut, à travers des interventions de design graphique, s’intéresser à se rendre compte de mécanismes alors cachés, et s’affirmer en tant que consommateur-responsable (cf. interview Marie Hujibregts). Il s’agit là d’un premier pas vers des pratiques plus concrètes de l’ordre d’un utilisateur curieux, réparateur et en capacité de s’approprier un monde d’objets, en en faisant son milieu.

Au fil de mes lectures, de mes rencontres, interviews et enquêtes, j’ai pu observer d’autres dimensions des milieux de réparation solidaire, de fabrication associative ou de réseaux de création participatifs. La plus marquante d’entre elles étant l’inclusion : les Café Bricol’ étaient surtout fréquentés par des retraité·e·s, des femmes et des minorités. N’ayant pas voulu en faire le cœur de mon travail, j’ai préféré me réjouir de ce fait et le traitant comme une conséquence heureuse des approches à la technique et la transmission que j’ai abordés. Cela reste un sujet auquel je tiens, l’image du hacker étant souvent (et dans certains cas, à raison) associée à des hommes blancs, trentenaires, qualifiés dans l’informatique¹. La définition élargie que je propose suggère une lecture moins restrictive de ce monde fermé par une marginalité conditionnée par la spécificité du champ d’intervention des hackers « cliché ».

Ce mémoire s’appuie sur le problème du rapport aux objets techniques pour éclairer la question de la réalité technique dans les réalisations de design et de design graphique. Le prétexte de la médiation scientifique et technique me semble être un champ d’intervention idéal pour proposer une affirmation de la technique graphique au sein des productions dans un premier temps. Son étendue reste limitée, et ne s’attaque pas à la crise de l’attention, ou de la technique, ou de l’obsolescence accélérée à proprement parler, simplement un symptôme pouvant constituer une ouverture à ces thèmes. Mon travail reste ici celui de montrer un dysfonctionnement, en fournissant assez d’éléments permettant un choix raisonné, responsable. Cela reste à éprouver et explorer au sein des macro-projets suivant cet écrit, et à poursuivre dans une pratique personnelle.

Les hackers, bidouilleurs, bricoleurs et les designers ne sauveront certainement pas le monde, mais par la combinaison des savoir-faire, approches, techniques et méthodes, pourront sans doute permettre de le lire sous un angle où des individus pourront le re-saisir.

« Ce que l’on appelle l’obsolescence, c’est une réalité économique mais, à côté de l’obsolescence économique, il y a une espèce de montée poétique qui n’a pas été, je crois, tout à fait suffisamment mise en valeur. Nous manquons de poètes techniques. »

–Gilbert Simondon, entretien sur la mécanologie avec Jean Le Moyne, 1968

c’est le constat de Michel Lallement à Noisebridge (San Francisco, CA), tout en évoquant Mothership HackerMoms, fablab réservé aux mères, ou alors le Reset en France ↩︎

Bibliographie

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Articles

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Podcast

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Nicolas Martin, Émission de radio La méthode scientifique, Obsolescence programmée, le futur est-il périssable ?, France Culture, Novembre 2017. Disponible sur [ce lien] https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-mercredi-11-octobre-2017

Nicolas Martin, Émission de radio La méthode scientifique, Fablab, l’âge du faire, France Culture, Mai 2017. Disponible sur ce lien

Marie Richeux, Émission de radio Les Nouvelles Vagues, L’artisanat (3/5) Artisanat 2.0 et philosophie du DIY, France Culture, Mars 2016. Disponible sur ce lien

Conférences / Spectacles

DEFOORT Antoine, un faible degré d’originalité, L’amicale de production, 2016, le Lieu Unique, Nantes, version 2.2 disponible sur ce lien

FRICTION Design, avec Nicolas Nova, Irini Papadimitriou et Mawena Yehouessi, table ronde Future Imaginary (Design Fiction), 13 Septembre 2019, Scopitone, Nantes

PiNG, numérique en commun[s] - médiations, 17 Septembre 2019, Nantes trace écrite disponible sur ce lien

PASQUIER Dominique, l’internet des familles modestes françaises rurales
RAUTUREAU Charlotte, médiation numérique par la pratique : retour d’expérience des Ateliers Ouverts du Breil et Bricolage Convivial, notes disponibles sur pad.numerique-en-commun.fr/nantes-en-mediations-ateliers#

Datarama#4, Dataviz, une esthétique du réel ?, 18 Septembre 2019, Nantes

ALEXANDRE Victor, datavisualisation au journal Le Parisien
HAROZ Steve, how we can use the scientific research [on perception & cognition] for our design, résumé en partie disponible sur ce lien
BASTIEN Karen, Wedodata : la dataviz, un nouveau langage pour dire le réel ?

Vidéo / Films

Documentaire de François Lagarde, Simondon du Désert, Hors Oeil Éditions, 2012, disponible sur ce lien

Émission internet StupidEconomics, Obsolescence programmée : une conspiration ?, Septembre 2019, disponible sur ce lien

avant-propos

introduction

contexte : les forces invisibles

la crise de l’attention

pensée magique de la technique

l’horizon illusoire de l’automatisme

solutionnisme technologique

le cycle de mort de l’objet technique domestique

les types d’obsolescence

l’aura complotiste de la programmation

c’est « eux » !

c’est « le système » !

et du coup ?

les racines de l’obsolescence psychologique

la part du design

objets opaques & muets

intelligibilité & affordance

symbolique

psychologique

juridique

utilitaire

freins à l’individuation

la culture du hacker

origine historique

émergence aux États-Unis et premiers hackerspaces

le hacker n’est pas ( nécessairement ) cracker

définition générale

impacts de la culture hacker

technophilie libertaire

horizontalité d’internet, « we owe it all to the hippies »

variété de hackers

fable labs ?

un designer graphique hacker ?

exemples

Karl Gerstner : Designing Programmes

Muriel Cooper : Information Landscapes

Raphaël Bastide : Each Page a Function

Gilles de Brock : Airbrush CNC

le graphiste hacker

positionnement

6 Novembre 2019 - Café Bricol’ Troix Cocus

Interview

Que font Les Petits Débrouillards ?

Quels sont les profils de gens qui viennent aux Café Bricol’ ?

Qu’en est-il des non-bricoleurs ? / Qu’est ce qui fait qu’on saute le pas ?

Comment se déroule un Café Bricol’ ?

C’est problématique d’avoir un atelier nomade ?

Quels sont les objets les plus fréquents ?

Retour d’expérience

7 Novembre 2019 - Le F@briquet, Fablab Planète Sciences de Ramonville

Présentation globale

Comment se structure le fablab en termes d’effectifs ?

Quel est le niveau de culture technique/technologique des visiteurs ? Y a t-il beaucoup de novices ?

Comment abordez-vous les animations techniques avec des enfants ?

Qu’est-ce qui permet de déclencher l’acte de faire chez des enfants/adolescents ?

Quid de l’héritage idéologique ? (cf. hacker) Cela fait-il partie de ce que vous transmettez ? Quelle est l’importance portée à la documentation des projets ?

designer-maker

entretien

L’aspiration à l’auto-production amène à décentraliser en partie la création, quelles sont les rapports aux objets en étant issus ?

À quelle point une autoproduction influe sur le processus de travail du designer ?

Les fablabs, maintenant 10 ans après leur implantation en France, quels impacts observables sur le design produit ?

Dans un environnement d’auto-création par tous, où les capacités d’appropriation s’étendent, pourrait-on imaginer que le designer se dissolve ?

Quelle est l’importance donnée à la capacité d’ouverture d’un objet technique ?

Suite à mon étude de la notion d’obsolescence, la part psychologique du côté de l’usager pèse beaucoup sur la balance. Pointés du doigt sont les publicitaires et pratiques de design de carrosseries, d’enveloppes. Qu’est-ce qui retient une ouverture des objets ?

Quel est votre positionnement sur la problématique du standard ? Avec son aura industrialisante et restrictive

rendre compte de la couche externe

intérêt de la fermeture

la peinture s’écaille

techno-esthétique

participation

restreindre pour étendre

par un outil spécifique : normographe

machines déterminées

indétermination et input

nourris en retour et sourçage à la foule (feedback & crowdsourcing)

diffuser un fonctionnement

méthode en exposition

structure en vue

l’outil-performance

langages de transmission

Je tiens à remercier mes camarades de classe pour
l’environnement de travail agréable qu’ils participent à créer,
pour le soutien, les remarques, les rires et les goûters :